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En Sibérie, une chaleur inhabituelle pourrait réveiller les incendies
Des chaleurs inhabituelles en Sibérie
Plus de 30°C : c'est la température enregistrée le 24 mai 2020 dans une station russe au nord du cercle arctique. Ces chaleurs nourrissent une crainte : celle de la propagation d'incendies.
Plus de 30°C. C'est la température enregistrée le 24 mai 2020 dans une station russe au nord du cercle arctique. En Sibérie, des chaleurs inhabituelles sont enregistrées. « Ces fortes chaleurs nourrissent une autre crainte : celle de la propagation d'incendies, alors que la saison des feux arctiques a débuté depuis quelques semaines », alerte Thomas Smith, professeur adjoint en géographie environnementale à la London School of Economics.
50 mégatonnes de CO2 rejetées en Arctique rien qu'en juin 2019
En l'absence de précipitations importantes, le risque d'incendies augmente car ces températures assèchent la végétation de surface et les sols. En 2019, des zones ayant connu des températures plus élevées que la normale avaient été particulièrement affectées par les flammes. L'Arctique avait alors connu une vague d'incendies sans précédent. Bilan : 50 mégatonnes de CO2 rejetées rien qu'en juin 2019, l'équivalent des émissions annuelles de la Suède.
« Le carbone émis lors de ces incendies est normalement stocké lorsque la végétation repousse à nouveau. Cela fait partie d'un cycle naturel et neutre de la fréquence en carbone. Mais une augmentation et de l'intensité des feux en Arctique pourrait conduire à une modification permanente de ces écosystèmes, avec le remplacement des forêts par des arbustes ou de l'herbe. Bientôt, le carbone émis lors des incendies pourrait ne plus être stocké », craint Thomas Smith.
L’hypothèse des « feux hivernants »
D’autant qu’il est très dur de prévoir ce qu'il va se passer cet été, estime le chercheur. Ce qu’on sait pour le moment, c’est que ces températures anormalement chaudes en Sibérie ont entraîné une abondance de végétation sèche. Et c’est cette végétation qui est la plus susceptible de prendre feu.
Des images satellites montrent par ailleurs que plusieurs incendies sont déjà actifs sur des zones touchées l'année dernière. Selon plusieurs scientifiques, la cause pourrait être les « feux hivernants », ou « feux zombies », qui se réveillent d'une année sur l'autre.
« Pendant l'hiver, le feu se consume lentement sous la neige »
Un phénomène étudié notamment l'Alaska. « En été, des feux particulièrement intenses peuvent se propager dans le sol, en brûlant les racines d'arbres morts ou le sol lui-même. Pendant l'hiver, le feu se consume lentement sous la neige. Et au printemps, quand la neige fond et que la végétation de surface sèche, la combustion souterraine émerge et se répand à travers la végétation de surface », explique Thomas Smith.
La neige étant en train de fondre en Arctique, il est pour lui impératif de surveiller de potentiels « feux zombies ». Selon des scientifiques du programme d'observation Copernicus, cette hypothèse des « feux hivernants » doit cependant être confirmée par des mesures de terrain. Ils jugent ces signaux « préoccupants ». Car dans la région, d'autres causes d'incendie s'ajoutent à celle-ci.
Le sol continuellement gelé renferme près de deux fois plus de carbone que notre atmosphère
« En Amazonie, les incendies sont souvent utilisés pour dégager les sols pour l'agriculture. C'est la même chose avec ces feux arctiques. Certains démarrent accidentellement à cause de la foudre, mais beaucoup sont initiés par des personnes pour libérer des terres », affirme Thomas Smith.
Les conséquences des feux et des fortes chaleurs arctiques ne s'arrêtent pas aux frontières. Dans les régions arctiques et boréales en effet, le sol normalement continuellement gelé renferme près de deux fois plus de carbone que notre atmosphère. « Si ces feux brûlent les tourbières, ils libéreront un carbone ayant mis des milliers d'années à s'y accumuler », prévient le chercheur.
« Des restrictions devraient être mises en place pour limiter la période durant laquelle les gens peuvent allumer des feux »
Et ce drame ne sera pas réversible à temps pour limiter le changement climatique, d’après lui. Thomas Smith poursuit : « Comme dans beaucoup d'autres pays, des restrictions devraient être mises en place pour limiter la période durant laquelle les gens peuvent allumer des feux. Cela pourrait limiter le nombre de départs de feux et les potentielles propagations accidentelles et hors de contrôle. »
« Il y a peu de choses à faire à part prendre des mesures pour limiter le changement climatique causé par les humains et qui entraîne le réchauffement de la planète. Et ça, bien sûr, c'est un effort à bien plus long terme. Ce que nous faisons aujourd'hui influencera l'activité des feux que nous aurons dans 30 ou 40 ans », conclut le chercheur.