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En Bretagne, Karim lutte contre le gaspillage alimentaire

"Un kilo sur cinq de légumes est jeté, c'est tout juste scandaleux, c'est criminel…" Il y un an, Karim a commencé à vendre des légumes frais que les supermarchés n'acceptent pas, car trop moches. Depuis, il a vendu plus d'un million de paniers, recruté 60 personnes, s'est mis à l'anti-gaspi de poisson et récupère jusqu'à 50 tonnes d'aliments qui devaient être jetés chaque jour. Pendant ce temps-là, en Bretagne… #BrutenBretagne 2/4
Publié le
31
/
05
/
2023

10 tonnes de poissons jetées chaque jour 

Quand un humain pêche un poisson, seulement 50 % du poisson qui est consommé. Dans l'atelier de filetage sur le port de Lorient, le poisson est coupé avant d’être vendu mais seulement la moitié est commercialisée, tandis que le reste part à la poubelle ou est transformé en farine animale. Pourtant, de nombreuses parties sont encore propres à la consommation mais jetées car elles ne respectent pas les standards de poids de la restauration et de la demande de consommation. La chair au niveau de la peau, du ventre et de la tête ne sont généralement pas commercialisées car jugées inesthétiques. “Le minimum, normalement, c'est 110 grammes le dos. C'est une prestation qu'on fait pour un prestataire et du coup, on est obligés de respecter ses charges à lui, on n'a pas le choix. Sur les parties que vous récupérez, il y a beaucoup de parties qui ne sont pas mangées par l’homme”, explique David Jennequin, fileteur. Ces restes représentent par jour dix tonnes. 

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Depuis un an, Karim Vincent-Viry revalorise ces invendus à travers sa coopérative Finisterestes29, dont il est le fondateur. “Aujourd’hui, ces filets, on les récupère pour les mettre dans des poches et on va vendre ça sur nos points relais, à 3 euros”. Par semaine, le coopérative récupère entre une et deux tonnes de filets. “Quand c'est destiné à être jeté ou en farine, forcément, c'est dévalorisé, les prix sont fracassés par deux, par trois ou par quatre. Ici, il se rapproche presque du prix d'un poisson normal, donc ça lui permet, aussi, lui, demain, de mieux payer les marins pêcheurs”. Le poisson que récupère Karim est ensuite vendu dans une dizaine de points relais, ici, en Bretagne.

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“C’est maintenant qu’il faut appuyer fort”

Même topo pour les fruits et légumes vendus dans la grande distribution où un kilo sur cinq est jeté. Mais pour Karim Vincent-Viry, les dernières catastrophes écologiques et la crise sanitaire ont amené une réelle prise de conscience. “C'est justement maintenant qu'il faut appuyer fort. Dans les années 1990, pour réglementer les achats de marchandises entre les producteurs et la grande distribution, un cahier des charges a été rédigé pour standardiser les produits, et décrire le produit idéal qu'on aimerait recevoir tous les jours”, ajoute Karim Vincent-Viry. Taille, poids, diamètre, courbure, tous les aspects du produit sont minutieusement contrôlés et détruits s’ils ne correspondent pas à la norme. Ces fruits et légumes, tout comme le poisson, la coopérative Finisterestes29 les récupère et les vend sous forme de paniers, évitant ainsi un gaspillage de 10 à 15 tonnes tous les jours. “Chaque jour, ici, on fabrique 4000 paniers, soit des paniers de légumes normaux, dits conventionnels, soit des paniers de légumes bio, et on en est déjà à un million de paniers. En bio, c'est très diversifié. On a de l'oignon bio, de la pomme de terre bio, de la carotte bio, du radis bio et du chou bio. Voilà ce qu'on propose pour un peu moins de 7 euros. Quand le producteur donne ça aux vaches, il ne touche rien. Et à ce jour, chez nous, il gagne plusieurs centimes d'euros au kilo. Cela varie selon les produits, ça varie selon la quantité qu'on a à trier”, confie Karim Vincent-Viry. 

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Pour Abdel Harbi, chef d'équipe fabrication paniers, travailler pour cette coopérative est une fierté car elle empêche le gaspillage, d'autant plus important avec la crise mondiale actuelle. Mais cette action permet aussi l’accès aux fruits et légumes pour tous. “C'est cette idée de redonner une nouvelle vie à tous les produits alimentaires, avec des prix bien étudiés, pas chers, par rapport à tout ce qui se passe, eh bien tout le monde sera gagnant”. 


Pour Karim Vincent-Viry, cette initiative est un “rêve éveillé”. Ayant travaillé presque 25 ans dans la restauration, il s’est retrouvé de “l’autre côté de la barrière quand le cahier des charges a été créé”. “C’est pour ça que je ne jette la pierre à personne. Mais je pense que je cherche surtout une paix avec moi-même. Quand ma fille allait à l’école, je ne lui racontais pas ce que je faisais parce que j’étais le méchant. Celui qui travaillait dans la grande distribution, c’était le méchant. Mais j’aimerais bien juste que ma fille soit fière de moi”.

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Des paniers disponibles dans 60 points relais 

À ce jour, la coopérative est présente dans cinq départements bretons et soixante points relais. Dans la boutique Good Eeffee, présente dans la galerie marchande de l'Intermarché de Mellac, les paniers sont livrés deux fois par semaine. “Je crois qu'au mieux, des semaines, on a fait dans les 250 paniers, peut-être”, confie Jean-Luc Favennec, copropriétaire de Good Eeffee. Cette initiative montre qu’un business est possible dans l’anti-gaspillage. “On peut entreprendre dans l'anti-gaspi. Et oui, on peut changer les choses en devenant membre anti-gaspi. Il est urgent de se bouger pour devenir acteur. On ne peut plus regarder les trains passer. Quand on est en Bretagne, on est plus gros producteurs, donc on est les plus gros gaspilleurs. Donc c’est à nous de prendre notre destin en main”, indique Karim Vincent-Viry. 


À la rentrée prochaine, le fondateur de la coopérative espère agrandir sa structure et ouvrir mille supérettes anti-gaspi : “Jamais, ou sinon on aurait été super prétentieux de dire qu'on espérait un tel engouement de la part des consommateurs et une telle réussite. On a démarré il y a douze mois, douze à quinze mois. On avait zéro salarié, j'étais le seul salarié. À ce jour, on est plus de soixante salariés”, termine Karim Vincent-Viry. 

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