Les femmes sont-elles plus écolos que les hommes ?

La "charge environnementale" pèse-t-elle plus sur les femmes que sur les hommes ? Voici ce qu'en disent les sociologues.
Publié le
18/11/2023
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Les femmes sont-elles plus écolos que les hommes ?


C’est la thèse de plusieurs chercheuses. Parmi les raisons : une éducation genrée qui rend les femmes pro-sociales et une distribution stéréotypée des rôles au sein du ménage.


Au Royaume-Uni, par exemple, 71 % des femmes affirment essayer de vivre de manière plus écoresponsable, contre seulement 59 % des hommes, selon une étude Mintel de 2018(target="_blank").


« Nous constatons qu’en ce qui concerne l’écologie dans la sphère privée, des choses comme le choix d’un mode de transport plus écologique, l’emballage, les aliments biologiques, les produits de nettoyage écologiques, ces responsabilités retombent typiquement sur les femmes » Emily Huddart Kennedy, professeure adjointe de sociologie à l’Université de la Colombie-Britannique.


« Les femmes peuvent sentir plus de pression pour adopter un comportement écoresponsable »


Des écarts existent aussi dans les régimes alimentaires à l'impact carbone plus faible : aux États-Unis, seulement 24 % des personnes vegan seraient des hommes. « L’une des théories est que les femmes se sentent plus vulnérables que les hommes face à l’impact de ces problèmes environnementaux », analyse Rachel Howell, professeure en développement durable à l’Université d’Édimbourg.


Elle poursuit : « Les femmes ont également tendance à être socialisées dès l’enfance à être plus pro-sociales, plus utiles, plus bienveillantes. Et donc elles peuvent sentir plus de pression ou de demande pour adopter un comportement écoresponsable parce que cela est considéré comme bon et utile. »


Les inégalités de genre face aux tâches domestiques en cause


Plusieurs magasins zéro déchets à travers le monde affirment par ailleurs que la grande majorité de leurs clients sont des femmes : 88 % pour la Maison du Zéro Déchet à Paris, et plus de 90 % pour Without Co. à Calgary au Canada. Différentes hypothèses existent pour expliquer ces inégalités.


À cela s’ajoutent les inégalités de genre face aux tâches domestiques. Dans les couples hétérosexuels européens, 74 % des femmes déclarent réaliser plus de tâches domestiques que leur conjoint, selon un sondage Ifop de 2019. Aux États-Unis, les femmes passent en moyenne quatre heures par jour à réaliser du travail domestique gratuit, contre deux heures et demie pour les hommes, d’après l’OCDE.


« Même lorsque les hommes sont à la maison, les femmes s’engagent toujours plus dans des comportements favorables à l’environnement »


« Il se pourrait aussi que les femmes manifestent plus de comportements écoresponsables à la maison simplement parce qu’elles font plus de tâches ménagères. Si je vois une étude qui montre que les femmes compostent plus les déchets alimentaires que les hommes, je me demanderais si c’est parce que les femmes se portent plus volontaires pour composter des déchets alimentaires, ou si c’est simplement parce que les femmes sont plus susceptibles de s’occuper des déchets alimentaires, parce que plus susceptibles de faire la cuisine », ajoute la Pre Rachel Howell.


Toutefois, ces explications ne suffisent pas à expliquer le plus faible engagement écologique de certains hommes dans la sphère privée. « Nous constatons que, même lorsque les hommes sont à la maison et que les femmes sont au travail, les femmes s’engagent toujours plus dans des comportements favorables à l’environnement. Se soucier de l’environnement par des choix de consommation est une façon pour les femmes de démontrer leur moralité et leur engagement et que les hommes ne sont tout simplement pas tenus aux mêmes normes », développe la Pre Emily Huddart Kennedy.


« Le stéréotype "écologie-féminité" pourrait motiver les hommes à éviter des comportements écologiques »


Des chercheurs ont en effet montré que certains hommes pourraient délibérément ne pas s’engager dans des comportements écoresponsables à cause des stéréotypes de genre. « En se fondant sur des recherches précédentes montrant que les hommes ont tendance à être plus soucieux que les femmes face au maintien de l’identité de genre, nous soutenons que le stéréotype "écologie-féminité" pourrait motiver les hommes à éviter des comportements écologiques afin de préserver une image machiste », peut-on lire dans l’étude « Est-ce que l’éco-responsabilité est non-virile ? » publiée dans le Journal of Consumer Research en 2016.


Certains hommes sont par exemple réticents à utiliser des sacs réutilisables ou à adopter une alimentation vegan par peur d’être perçus comme plus efféminés, d’après cette étude étude. Pourtant, les hommes seraient plus valorisés que les femmes lorsqu’ils adoptent des comportements écoresponsables.


Déconstruire l’association entre féminité et écologie dans le marketing


« Nous avons observé les jugements des gens à l’égard d’une mère et d’un père qui achetaient des produits alimentaires plus ou moins sains, et plus ou moins écologiques. Alors que les femmes n’ont obtenu aucune sorte d’éloges supplémentaires pour l’achat de produits écologiques, les hommes, oui. Dans les faits, alors que les hommes peuvent hésiter à s’engager dans ces consommations respectueuses de l’environnement, quand ils le font, ils obtiennent en fait plus de compliments pour cela », argumente la Pre Emily Huddart Kennedy.


Pour réduire ce rapport genré à l’écologie, l’un des enjeux serait de déconstruire l’association entre féminité et écologie, notamment dans le marketing de produits présentés comme écologiques, qui vise principalement les femmes. « Le basculement en écologie ne peut se faire que si l’on remet en question le cloisonnement des genres. Si l’on présente le fait de prendre soin des autres et de l’environnement comme quelque chose d’universel, il n’y a pas de raison que les hommes n’y adhèrent pas », conclut Nina Gouze, créatrice de la plateforme éco-responsable Jolie Sauvage.