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Un modèle de ferme bio intensive pour transformer l'agriculture mondiale

"Ce qu’on veut, c’est remplacer l’agriculture de masse par une masse d’agriculteurs". Une ferme à "échelle humaine" et rentable, c’est ce qu’a créé le québécois Jean-Martin Fortier qui souhaite montrer qu’une révolution agricole est possible. Brut nature l’a rencontré.
Publié le
29
/
01
/
2020

Agriculture : une micro-ferme bio intensive et engagée


Au Québec, Jean-Martin Fortier a fondé les Jardins de la Grelinette, une micro-ferme bio intensive devenue un modèle du genre.


« L'idée, c'est de multiplier le nombre de petites fermes. Ce qu'on veut, c'est remplacer l'agriculture de masse par une masse d'agriculteurs qui font une agriculture de bienveillance », affirme Jean-Martin Fortier, agriculteur québécois. Il a fondé il y a 15 ans les Jardins de la Grelinette une micro-ferme bio intensive. Explications.


Jusqu'à 100.000 $ de revenus par hectare de légumes


Quand on vient sur ma ferme, il y a deux choses qui captivent totalement les gens : la beauté de l’endroit et sa petitesse. Il y a un étang, des niches écologiques pour les couleuvres, pour les oiseaux… Et il y a également des légumes qui poussent sur chaque mètre carré. On a maximisé l'espace de production. C'est à peu près la grandeur d'un terrain de foot.


Mais on réussit, même si la ferme est sur une petite surface cultivée - moins d'un hectare - à bien gagner notre vie. On génère jusqu'à 100.000 $ de revenus par hectare de légumes produits. C’est très rentable, très performant. Et puis, on réussit à avoir un impact dans notre communauté. Ça, c'est ce qui était important.


« On n'a pas de tracteur »


L'élément qui fait que notre ferme fonctionne bien, c'est qu'on n'a pas de tracteur. Pour un hectare on a quatre employés, et plus de 200 personnes qu'on nourrit. Si on multiplie cette ferme-là par 10.000, ce serait une contribution importante à l'emploi, surtout si ce sont des emplois en région, surtout si ce sont des emplois intéressants !


Moi, quand je suis dans le champ, ma journée, c'est écouter les oiseaux, c'est être avec mes collègues, c’est de faire de l'écologie appliquée. Je vais ramasser des carottes, des radis. Après ça, je vais aller faire un semis, je vais aller préparer le sol, je vais aller conditionner les légumes... Tu sais, dans ma journée, il y a pas de monotonie.


« Mon métier est coloré, dynamique, agréable »


On est toujours en train de varier les tâches. On va aussi vendre nos légumes directement. Des gens viennent nous remercier, ils nous disent : « Merci pour la salade, merci pour les belles carottes, merci pour pour le beau travail. » Tout ça en une journée, en une semaine. Je trouve que mon métier est coloré, dynamique, agréable, même si c'est difficile, même si on travaille dur.


Je pense que c'est un acte politique de prendre... j'allais dire les armes, mais c'est pas ça... de prendre les fourches ! De mettre ses bottes et d'aller au champ. C’est le retour en avant, c'est montrer par l'exemple, c'est arrêter de rouspéter et de faire les Che Guevara de salon. C’est se dire : « Moi, je fais, j'ai un impact, je contribue, je suis un acteur du changement, je suis un agriculteur, je suis fier, je fais un beau métier et je contribue à un monde meilleur. » C'est ça, le message qu'il faut donner pour que des jeunes s'y intéressent, pour que des gens sautent le pas, qu'ils deviennent des révolutionnaires agricoles. Il faut que ça s’accélère.


« Ce qu'on veut, c'est nourrir la communauté »


Souvent, certains émettent des doutes : « Est-ce que les micro-fermes peuvent nourrir le monde ? », « Est-ce que la France peut être nourrie par la multiplication des petites fermes ? » Trois choses. Premièrement, aujourd'hui, dans le monde, ce sont les fermes familiales qui nourrissent la planète. Tous les rapports de l'ONU le disent. Il existe un mythe selon lequel c'est la grosse agriculture industrielle qui nourrit le monde. Deuxièmement, c'est une fausse question ! On s'en fout de nourrir le monde, ce qu'on veut, c'est nourrir la communauté, fournir le restaurant du coin, faire partie d'une « bio coop ». Il faut arrêter de voir trop large. Troisièmement, le modèle dominant, aujourd'hui, c'est un cul-de-sac. Il faut essayer autre chose.


« Notre modèle se multiplie à une vitesse intéressante »


Mais notre modèle de micro-ferme se multiplie à une vitesse intéressante. Les gens appliquent les mêmes méthodes, les mêmes techniques, les mêmes idées. C'est ça qui est beau : on peut s'établir sans avoir un parc de machinerie, sans avoir 50 hectares. On peut louer une terre, faire de l'agriculture en ville... Quand on travaille avec des outils manuels, c'est ça qui permet, finalement, de rendre le métier accessible.


Ce que je prédis, c'est que dans un avenir proche, il va y avoir ce qu'on appelle le « tipping point », : les anciens agriculteurs agro-chimiques voudront prendre leur retraite. Personne ne voudra prendre la relève d'une ferme qui pollue, d'une ferme porcine qui, finalement, n'est pas très intéressante à administrer ni à gérer. Au final, je pense que tous le nombre de jeunes qui veulent faire de l'agriculture écologique va augmenter. Quand on attendra ce point de bascule, j'espère que les politiques et nos élus vont favoriseront ce modèle agricole. C'est ce que j'espère, c'est pour ça que je travaille.