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"Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes" : Rodolphe Marconi raconte son documentaire

Il souhaitait suivre le quotidien d'un agriculteur. Il ne s'attendait pas à être témoin de sa descente aux enfers. Le documentaire "Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes", c'est le résultat de cette rencontre. Le réalisateur Rodolphe Marconi raconte.
Publié le
22
/
02
/
2020

Cyrille, agriculteur endetté, au coeur d’un nouveau documentaire


Brut a rencontré le réalisateur du film « Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes », Rodolphe Marconi.


Dans son dernier documentaire, Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes(target="_blank"), Rodolphe Marconi a suivi Cyrille, un agriculteur auvergnat. En partageant son quotidien, le documentariste a découvert l’horreur de l’endettement et de la solitude.


« Il n’a pas de dimanche, pas de vacances, pas de Noël, rien du tout »


C’est le mois de juillet 2018, je suis sur la côte Atlantique, en vacances, avec des amis, tous les matins je vais nager sur la même plage tout seul et tous les jours vois ce mec qui a les pieds dans l’eau, les bras croisés comme ça et qui regarde la mer.


Le quatrième jour, je sors de l’eau après avoir nagé et il est à deux mètres de moi. Je lui dis : « Tu devrais y aller, elle n’est pas froide. » Et il me répond : « Mais je ne sais pas nager. » Je me sens un peu con, je lui dis : « Tu es en vacances ? » Là, je comprends qu’il est agriculteur laitier en Auvergne, et qu’il n’avait jamais vu la mer.


Il n’était jamais parti en vacances, qu’il ne peut pas se verser de salaire, il bosse 18 heures par jour, il n’a pas de dimanche, pas de vacances, pas de Noël, rien du tout. Le matin, le réveil sonne à 6 heures, il fonce avec son chien pour retrouver ses vaches pour les traire. Après ça, il faut nettoyer la salle de traite. Ensuite, il faut les sortir. Et nettoyer la bouse de vache. Ensuite, il va écrémer le lait. Et la journée s’enchaîne. Le soir, ça recommence.


Cyrille s’endette


Cyrille a l’héritage de sa maman : deux étables et quelques vaches. Mais évidemment, aujourd’hui, pour vous installer en tant qu'agriculteur, vous ne pouvez pas continuer comme ça, il y a des mises aux normes, des questions d’hygiène. Cyrille a donc dû construire un bâtiment. Un bâtiment qui fait 800 m2, qui lui a coûté 250.000 €. Donc il a dû faire un emprunt.


Au départ, ça marche pas trop mal, il arrive à rembourser ses emprunts, il a 35 vaches, ça roule. C’est pas Byzance, mais ça roule. Difficile de se verser un salaire, mais au moins, il paie les traites, il habite chez son père, donc ça va. Et puis il se dit qu’il aura toujours le temps pour faire un peu grossir le cheptel. 


Ses vaches meurent


Il rachète 10 vaches. Sauf que six mois plus tard, huit vaches meurent. Sur une petite exploitation, huit vaches, c’est énorme. Le rendement n’est plus le même. Après ça, premier été, sécheresse. Pas d’herbe, les vaches font moins de lait. Pas de foin pour les faire tenir l’hiver, donc achats d’aliments. Deuxième été : sécheresse. Rebelotte. Il ne l’a pas senti au départ. Bon, c’était compliqué, c’était difficile, il s’est dit : « Je vais attendre l’été prochain. » Sauf qu’il était déjà endetté. Le courrier s’amoncelle, les huissiers commencent à envoyer des lettres.


Quand ils arrivent chez Cyrille, ils voient bien qu’il n’y a plus rien à prendre, à part un tracteur qui ne marche pas très bien. C’est quelqu’un qui est dans la merde jusqu’au cou. Lui, bizarrement, il reste poli avec eux, il reste gentil. Moi, je bouillais à l’intérieur, mais fallait que je ferme ma gueule. J’avais la caméra et j’étais là pour filmer ça, et rien d’autre. J’ai terminé de tourner en avril 2019. Aujourd’hui, Cyrille cherche du boulot. Les vaches sont parties.


La liquidation judiciaire est prononcée


Quand la liquidation judiciaire a été prononcée, je me suis permis d’écrire une lettre au juge en demandant six mois de report. Je savais qu’on ne pouvait pas, mais je voulais reporter, prolonger de six mois l’exercice. Pendant six mois, il a pu continuer à traire ses vaches et à vendre son beurre. Jusqu’au 21 décembre 2019, où les vaches sont parties.


Depuis, il y a beaucoup de paperasse, il faut qu’il s’inscrive à Pôle emploi, qu’il remplisse les papiers pour la MSA… J’ai appris que pour l’instant, il n’a pas le droit au RSA, donc c’est un peu compliqué. Et puis on lui propose des formations payées donc je crois qu’il va toutes les faire, parce que comme ça, en attendant, ça lui permet de vivre. 


« Quand vous allez faire vos courses, pensez aux agriculteurs »


Je voudrais qu’il trouve un travail et qu’il puisse avoir sa maison à lui, son appartement, un studio, quelque chose qui soit à lui. J’aimerais qu’il trouve l’amour. Qu’il connaisse ce que c’est que les amis, d’aller boire un verre dans un bar, d’aller manger une pizza. Tout ça, c’est des choses qu’il n’a jamais faites. Quand vous allez faire vos courses, pensez aux agriculteurs. Parfois, vos carottes ou vos pommes de terre, vous ne les paierez pas plus cher chez le petit producteur, il suffit de chercher.