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Elle dénonce l'influence des cabinets de conseil privés
Plus d’un milliard d’euros versés
En 2021, l'État a dépensé plus d’un milliard d’euros en missions de conseil.
C’est la révélation du rapport d’une commission d'enquête sénatoriale qui révèle la prépondérance croissante des cabinets privés sur les politiques publiques. Il parle même de “phénomène tentaculaire.”
Le président français, Emmanuel Macron, affirmait avant ces révélations : “Je pense qu’il est légitime pour les ministères de faire appel aux cabinets privés”.
Rapporteure de la Commission sénatoriale, Éliane Assassi explique : La France est dirigée comme une entreprise. C’est la ‘start-up nation’. Je pense qu’ils ont été pris la main dans le pot de confiture”.
En 2019, la Commission d’enquête sénatoriale avait émis un rapport sur Alexandre Benalla. “Faux témoignages”, “contre-vérités”... des tensions se faisaient sentir entre l’Elysée et le Sénat face à l’affaire Benalla.
Réforme des retraites, des APL, stratégie vaccinale…
En 2021, Emmanuel Macron déclarait : “Il y a eu une augmentation dans les phases de crise, je crois que c’est ce que décrit le Sénat.” Une affirmation qui n’est pas juste selon la rapporteure de la Commission sénatoriale.
“Ce qu’il dit n'est pas tout à fait juste parce que, effectivement, 41 millions d’euros ont été dépensés pour la gestion de la crise sanitaire et, je le répète, il y a eu un milliard de dépensés pour des cabinets de conseil qui sont intervenus depuis au moins 4 ans, sur des aspects stratégiques.”
Réforme des retraites, des APL, stratégie vaccinale durant la crise du covid ou enseignement, voilà quelques-uns des sujets pour lesquels les consultants de cabinets de conseil privés ont été sollicités par l'État dans le cadre de prestations rémunérées.
Emmanuel Macron a également précisé : “Il y a aussi une baisse, ensuite, de plus de 15 % sur l’année qui a suivi sur ce quinquennat, ce qui montre aussi une procédure de refroidissement, de normalisation.”
Selon la rapporteure, cette affirmation est également fausse : “Il dit que le recours au cabinet a régressé de 15 %, ce qui est faux, puisque la circulaire du Premier ministre datée du 19 janvier 2022, préconise de réduire de 15 % le recours aux cabinets.
Cette circulaire est assez étonnante parce qu'elle est envoyée le même jour où nous auditionnons ici Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation publique.”
Le cabinet de conseil McKinsey dans le viseur
En effet, le 19 janvier 2022, la femme politique est auditionnée à la Commission sénatoriale. La ministre y explique : “Vous m’avez interrogée sur la mission éducation. Je dois dire que j’ai eu connaissance de cette mission hier par voie de presse dans la mesure où cette mission a été commandée et pilotée avant ma nomination.”
La veille, c’étaient les dirigeants du cabinet de conseil McKinsey, qui étaient sous le feu des questions des sénateurs. Selon la rapporteure, ce cabinet serait surnommé “La Firme”. L’un des directeurs associés était notamment interrogé sur une mission sur l’enseignement facturée 496 800€.
“C'est une somme assez conséquente, ça a abouti à quoi, précisément ?” interrogeait Éliane Assassi. Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey, a répondu : “Je n’ai pas directement piloté ces travaux, je pilote l'ensemble du secteur et j’ai des collègues qui sont spécialistes de l'évolution de l'enseignement, madame la rapporteure.”
Impôts non payés par le cabinet McKinsey
La rapporteure commente : “Lui aussi, il a été pris la main dans le pot de confiture, tout simplement, monsieur Tadjeddine. Je n’ose imaginer qu’il n'était pas au courant de cette mission qui s’élève quand même à 500 000€, pratiquement. Donc il était au courant.
Je pense que ces cabinets nous méprisent un peu. Il devait penser que l'audition se passerait de façon tout à fait banale et qu'on n’aurait pas à notre disposition des documents qui prouveraient un certain nombre de choses et ça, je dois vous dire que ça m’a un petit peu énervée.”
L'autre révélation du rapport du Sénat, c’est que le cabinet McKinsey n’aurait pas payé ses impôts en France ces 10 dernières années. Pourtant, voilà ce qu'affirmait sous serment Karim Tadjeddine devant la commission au mois de janvier 2022.
“Je le dis très nettement : nous payons l'impôt sur les sociétés en France et l'ensemble des salariés qui travaillent sont dans une société de droit français qui paie ses impôts en France” a déclaré le 18 janvier Karim Tadjeddine. Un “mensonge” prononcé devant la commission selon la rapporteure.
Une proposition de loi déposée à l'automne 2022
Pour limiter le recours aux cabinets privés, les rapporteurs de la commission recommandent plus de transparence et la mise en place de règles plus strictes dans l’attribution des missions.
Une proposition de loi transpartisane allant dans ce sens devrait être déposée à l’automne.
Le gouvernement par l’intermédiaire de Bruno le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances, s’est exprimé sur le sujet : “Toutes les procédures sont déjà engagées par la direction générale des Finances publiques. C’est à elle de le faire de manière totalement indépendante. Elle le fera, Mckinsey paiera.”
Ce que craint notamment la rapporteure à travers ce recours abusif aux cabinets privés, c’est le remplacement à terme des fonctionnaires au service de l’administration publique par ce type de structures : ”Moi, je ne suis pas contre les cabinets de conseil. Je ne veux pas foutre sur la paille 40 000 salariés quand même. La question, c’est que c’est devenu un réflexe.
Nous craignons qu'à terme, on remplace des fonctionnaires par des cabinets extérieurs. Eux, ils ont un objectif, répondre à une commande, livrer leur mission et être payés. Point barre. Ce qui n’est pas du tout le cas des fonctionnaires.”
Retrouvez l’interview vidéo de Bruno le Maire sur Brut : le ministre de l'Économie avait répondu à vos questions.