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Acrobate94 raconte comment il a décroché la banderole de Génération Identitaire
Rencontre avec Acrobate94, l’homme qui a décroché la banderole de Génération identitaire
Samedi 13 juin, lors d’un rassemblement en soutien à la famille d’Adama Traoré place de la République à Paris, l’organisation raciste a déroulé une banderole tout en haut d’un immeuble. Ce jeune homme l’a escaladé pour aller la décrocher.
Samedi 13 juin, place de la République, Paris. Plus de 15.000 personnes sont réunies après l’appel du collectif La Vérité pour Adama. Le but : manifester contre les violences policières racistes et réclamer que la lumière soit faite sur le rôle des gendarmes dans la mort d’Adama Traoré en 2016. Acrobate94, casse-cou et star de Snapchat et d’Instagram, est sur place.
Une banderole déployée par le groupuscule raciste Génération identitaire
À la fin du discours d’Assa Traoré, sœur d’Adama, l’attention des manifestants se tourne vers un immeuble de la place. Sur le toit, une dizaine de personnes déploient une immense banderole. Il s’agit du groupuscule raciste Génération identitaire. « Justice pour les victimes de racisme anti-blanc, white lives matter », peut-on y lire.
La colère des manifestants est palpable. Puis les militants de Génération identitaire lancent des fumigènes bleu blanc rouge. Des habitants de l’étage inférieur tentent de déchirer la banderole, mais ils n’y arrivent pas complètement. C’est là qu’Acrobate94 intervient. Pour Brut, il raconte.
« Aucune altercation avec la police, aucune altercation avec personne »
Je me suis rendu à la manifestation contre les violences policières, le racisme, pour le mouvement d’Adama Traoré. Vers 14h, j’ai pris mes rollers. Journée sympa en direction de la manifestation. Il fait beau, il y a du monde. Tout se passe bien dans la joie et dans la bonne humeur. Bien sûr, c’est une manifestation, donc on montre notre colère contre les violences policières.
Il y a des Arabes, des Noirs, des Blancs, des Chinois, des Pakistanais, tout le monde. On était vraiment tous ensemble. Tout se passait bien. Ça faisait une heure, une heure et demie que j’étais là : aucune altercation avec la police, aucune altercation avec personne, pas d’embrouille.
« Là, il commençait à y avoir de la colère »
Et, là qu’est-ce qu’on voit ? Une dizaine d’individus. Moi j’en ai vu 10 sur le toit en train de dérouler une grande banderole de Génération identitaire. C’est des grands racistes, tout le monde le sait. Ils ont déployé ça avec des fumigènes pour que tout le monde les voie.
Ils se sont mis sur le toit d’un grand immeuble juste en face de la statue. Et là, il commençait à y avoir de la colère. Tout le monde commençait à être sous pression, à regarder là-haut, à jeter des pétards. Ils n’avaient qu’une envie : enlever cette banderole, qu’on ne la voie plus.
À ce moment-là, des voisins ont commencé à découper la banderole, mais on la voyait quand même encore beaucoup. On sentait la haine, on sentait la colère des manifestants, des gens qui étaient là pour le mouvement. La tension était venue. Moi, en regardant ça, je ressentais pareil.
« Enlever cette banderole, ce serait gagner un combat : montrer qu’on est soudés »
Je me suis dit, on est tous ensemble, on est tous réunis, on est tous soudés. Mais on voit encore des personnes qui viennent nous provoquer. Ni une ni deux, je me suis dit qu’il fallait enlever cette banderole, histoire d’arrêter le truc. Le fait de l’enlever, ce serait gagner un combat : montrer encore une fois qu’on est soudés.
J’ai regardé le bâtiment et j’ai vu une gouttière, je me suis que j’allais grimper. Je suis assez agile car je fais beaucoup de sport : du parcours, de la gym. Je me suis dit que je pouvais le faire. C’est une chose que je ne fais pas tout le temps, mais que j’ai déjà fait, par plaisir, par amour du risque. Je suis monté sur une gouttière. De balcon en balcon, j’ai grimpé : premier étage, deuxième étage, et on arrive au quatrième ou cinquième : c’était un grand bâtiment de cinq, six étages.
« Lorsqu’ils m’ont vu, ils étaient vraiment étonnés »
J’arrive sur un balcon, je le traverse, je monte encore un petit bout d’étage. Et là, j’arrive sur une gouttière qu’on peut voir sur les images. Il m’a fallu moins d’une minute pour arriver là-haut. J’arrive devant la banderole. Il y avait cinq, six personnes cachées derrière un muret qu’il y avait sur le toit. De l’autre côté, certains tentaient déjà d’accéder à la banderole.
On voyait que Génération identitaire les empêchait de passer, mais ils ne se doutaient pas que quelqu’un pouvait arriver par la façade du bâtiment et atterrir sur la banderole. Lorsqu’ils m’ont vu, ils étaient vraiment étonnés. Ils n’ont essayé de m’embrouiller, ils m’ont vu vraiment motivé. Quand je suis arrivé au niveau de la banderole, je l’ai détachée directement.
« J’ai entendu la foule crier : ‘’Merci, merci !’’ »
On va venir au moment qui a fait frissonner. Quand je montais sur la gouttière, la foule criait, « continue », « va droit au but ». Donc j’arrive à la banderole, ça pète. J’étais vraiment en train de détacher la banderole. Tout le monde criait, c’était incroyable ! J’étais en train de frissonner, sous adrénaline.
Je l’enlève, je la déroule et je la jette sur le balcon d’en bas. On ne voyait vraiment plus rien et j’ai entendu la foule crier : « Merci, merci ! » Franchement, il faut le voir ! Ça faisait vraiment chaud au cœur. Ça fait vraiment plaisir de voir autant de monde sur une place publique pour défendre une cause, pour montrer qu’on est tous solidaires, qu’on est tous soudés et qu’on est tous égaux.
Quand j’étais tout en bas, j’ai vu l’impuissance de tous ces manifestants, j’ai vu l’impuissance de toutes ces personnes face à une banderole. Je me suis dit qu’il fallait que je sois l’homme de la situation.
« C’est rien, comparé à ce que les gens mènent comme combat tous les jours, comme Assa Traoré »
J’étais en train de me dire que je faisais vraiment quelque chose de bien, de bon, ça m’a fait encore plus plaisir. C’est de l’émotion à 2.000 % ! Je me suis dit que j’avais fait quelque chose et que j’avais montré que personne ne peut nous diviser, que personne ne peut se permettre de venir sur une place publique où on vient en paix pour faire sa loi, pour nous provoquer. C’était magique !
Après moi, je suis venu à cette manifestation. Je n’ai fait qu’arracher une banderole, c’est loin, c’est très peu, c’est rien, comparé à ce que les gens mènent comme combat tous les jours. Comme Assa Traoré qui mène ce combat depuis maintenant quatre ans. Courage à eux, courage à tout le monde, courage à ceux qui sont dans une même situation, parce qu’il y a beaucoup de monde. Là, on est sur une affaire vraiment médiatisée, mais il ne faut pas oublier toutes les petites affaires plus ou moins grosses dont on ne parle pas forcément.