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Survivante du Bataclan, Natasha est devenue tatoueuse

Le tatouage lui a permis de reprendre le contrôle sur cette soirée qui l’a marquée à vie. Brut a rencontré Natasha, survivante du Bataclan.
Publié le
10
/
11
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2022

“C'est un témoignage d'un moment de vie”


“Le tatouage, c'est toi qui décides, ce n'est pas comme une balle que tu reçois, et c'est toi qui décides de t'encrer ce moment-là. C'est comme une carapace.” Natasha, dans la nuit du 13 novembre 2015, a survécu à l’attentat lors du concert des Eagles of Death Metal au Bataclan. Pour elle, s’inscrire cet événement dans la peau lui a permis de se réapproprier le moment. “Je pense que les gens qui s'en sont sortis, qui ont fait un tatouage, c'est comme pour se dire : ‘Ben j'ai vécu ce truc-là, c'est en moi.’ Quand t'écris, quand tu encres, c'est pareil. Tu laisses une trace dans l'histoire, tu laisses une trace à vie sur des corps et c'est un témoignage d'un moment de vie”, explique Natasha.
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Le tatouage comme une protection


“Il y en a beaucoup, ce n'est pas forcément visible où ils l'ont fait, ça dépend… Je pense que, souvent, le lieu, il est plutôt dicté par ‘ça fait mal’, ‘ça fait pas mal’. Je ne pense pas qu'il soit vraiment dicté par ‘je veux montrer que je faisais partie du truc’, je ne pense pas. Qu'il soit visible ou pas, c'est déjà le fait de l'avoir fait qui te réapproprie le moment, en fait, c'est comme si… C'est comme si ça stoppait le moment, le fait de l'avoir fait sur toi”, ajoute-elle.
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Dans la journée avant le concert, Natasha s’était faite tatouer. “Moi, je sais que ce tattoo, alors que je l'ai fait à midi de cette journée-là, ça représente bien ce que je me serais fait, certainement, après. C'était un peu comme un tattoo prémonitoire, cette croix pleine de sang. Le fait de l'avoir, c'est comme une protection. Je me suis dit : ‘ça m'a protégée’. Le fait que tu l'aies sur toi, c'est… c'est pof, point final. Ou : point, je tourne la page. Après, tout le monde ne s'est pas fait tatouer non plus, mais beaucoup.”
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“Comment les gens se reconstruisent ?”


Natasha est ensuite devenue tatoueuse. “Ça m'a peut-être donné cette force de me dire ‘et merde, je le fais’, quoi. Oui, je pense que ça m'a aidée. Peut-être que je ne serais pas tatoueuse, en effet, si ça ne m'était pas arrivé. C'est terrible de se dire ça, quand même, qu'il faille un événement pareil. Mais oui, oui, ça déclenche beaucoup de choses, comme ça te permet de relativiser beaucoup sur la vie et sur ce que les gens pensent de toi, parce que t'as quand même failli y passer.” Elle a également tatoué plusieurs personnes présentes à cette soirée-là. “J'ai fait beaucoup de pansements, ou évidemment, le logo des Eagles of Death Metal ou ces choses-là.”
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Natasha témoigne dans le livre d'Olivier Roller, Bataclan, mémoires, aux côtés de 20 autres personnes. “C'est un récit de ce qui nous est arrivé, mais ça permet aux gens de prendre conscience… de la durée. Justement, 7 ans après, où est-ce qu'on est ? Combien de temps ça prend ? Comment les gens, aussi, se reconstruisent ? Le fait qu'il y ait des portraits différents, c'est intéressant, parce que personne ne se reconstruit de la même façon, on a tous des parcours différents. Des fois, tu as l'impression que c'est ce que les gens ressentent, de se dire : ‘Mais ça fait 7 ans, quand même. Vas-y, bouge, quoi.’ Et en réalité, c'est un processus qui est très long. Moi, quand je suis toute seule sur mon vélo et que j'arrive à me promener toute seule et aller juste faire du shopping toute seule, (...) pour moi, c'est incroyable.”
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