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Ulrich, camerounais, raconte son premier jour en France

En 2017, Ulrich débarque à Saint-Brieuc après un long périple depuis le Cameroun. Son premier jour en France, voilà comment il l'a vécu.
Publié le
07
/
02
/
2020

Ulrich, camerounais, se rappelle de son premier jour en France


Ce jeune Camerounais a fui les bidonvilles de son pays. Aujourd’hui, il publie un livre, « Boza ! », aux éditions Philppe Rey.


« Quand je suis arrivé, j’étais déçu. J’étais très déçu, même. Gros choc : tu imagines, la ville n’est pas celle à laquelle tu pensais. Quand on voit Bordeaux à la télé, ce sont de grands immeubles, et tout. Des rues plus grandes. Mais très vite, tu te rends compte que la réalité, c’est pas ce que tu penses. » Ulrich est arrivé en France à 16 ans. Mais au lieu du Sud-Ouest, c’est à Saint-Brieuc qu’il a atterri. Pour Brut, il raconte ses premiers souvenirs de la France.


« La nuit, je me suis couché dehors »


Quand je suis arrivé, j’avais 16 ans. La destination, c’était Bordeaux, dans ma tête. Jamais je ne me suis dit que je viendrais ici ! Je ne connais pas Saint-Brieuc. Il n’y a personne en Afrique qui connaisse Saint-Brieuc, d’ailleurs. La plupart des potes qui sont rentrés avant moi sont à Bordeaux, d’autres sont à Nantes. Alors je me suis dit : « *Ok, à Bordeaux, il y a la communauté, on est ensemble, on va se retrouver. *»


La nuit, je me suis couché dehors en fonction du courant d’air. C’est un peu le rêve qui s’effrite, tu vois. La désolation. L’amertume. Le seum. Tu as fantasmé un truc. Tu voulais arriver en France, maintenant tu es en France. Qu’est-ce que tu fais ? Tu dors dehors. Là, tu comprends que tu as tout perdu. Le matin, je suis allé au commissariat. Je leur ai dit : « Je viens d’arriver en France. Je sais pas où aller. Je sais pas quoi faire. Je sais pas où dormir. »


« Je passais toutes mes journées dans un centre commercial »


Les policiers m’ont alors accompagné au conseil départemental. Là, ils m’ont fait une évaluation, ils m’ont posé des questions. Puis ils m’ont amené à l’auberge de jeunesse, où j’ai dormi 10 nuits. Après, ils m’ont mis dehors. Je passais toutes mes journées dans un centre commercial, où il y a plusieurs boutiques de commerces. Pour certains, ça doit être désagréable de rester là, mais pas pour nous. Au moins, il y du monde. Moi, je venais aussi là parce qu’il y a du Wifi. 


En soirée, à partir de minuit, une heure, deux heures, je dormais. Je me levais très tôt, à 5 heures. Et je descendais, j’allais à la gare pour prendre du chaud. Après la gare, je rentrais dans la bibliothèque pour prendre du chaud, et à midi, je ressortais pour rejoindre certains potes. Je me disais qu’un jour, tout ça allait se terminer. Que j’aurais les papiers, le titre de séjour, que je réaliserais mes rêves. Je voulais continuer l’école. 


« J’ai connu huit familles au total »


Un jour, un mec m’a dit : « Il y a un monsieur aveugle qui a aidé pas mal de gens comme toi, et après, ils ont eu des papiers, ils ont trouvé une maison où dormir, ils ont trouvé ci, ils ont trouvé ça. » Monsieur Deschamps, c’est un monsieur aveugle. Mais nous, on dit qu’il voit, parce qu’il il fait des trucs que les voyants ne font pas. Il réussit à décanter les situations alors que lui-même a besoin d’aide.


Le même mec m’a dit : « Mercredi, il faut que tu ailles à l’association ASTI, tu dis que tu viens de la part de monsieur Deschamps, et ils vont te trouver un logement. » J’y suis allé, et j’ai vu une dame, Lucie. J’ai dormi la première nuit chez elle, c’est la plus belle nuit que j’ai passée en France. Je suis resté là 10 jours avant de changer de famille. J’ai connu huit familles au total. 


Il traverse le Nigéria, le Niger, l’Algérie, le Maroc et l’Espagne


J’ai fait le Cameroun et le Nigéria. Après le Nigéria, je suis allé au Niger. Après le Niger, en Algérie. Après l’Algérie, j’ai fait le Maroc. Après le Maroc, j’ai fait l’Espagne. Et après l’Espagne, je suis arrivé en France. Je suis parti en juin 2016 et je suis arrivé en septembre 2017.


En ce moment, je suis scolarisé en classe de Terminale S1. La première fois que je suis arrivé au lycée, c’était en plein cours. Certains ont vu une nouvelle personne, une nouvelle couleur. Ils n’ont pas trop compris pourquoi. Ils ont été très accueillants, c’était un truc de ouf.  Je rentre dans une salle vachement équipée, où on projette le cours au tableau, on distribue le cours… C’est plus comme chez nous où tu dois photocopier avec tes propres sous ! C’est là où j’ai compris : ça c’est l’Europe, ça c’est la France.


« Les professeurs, vraiment, ils font un travail de ouf ! »


Je viens de temps en temps sur le port pour diluer mes idées. Parfois, j’étouffe. Je pense à ceux qui sont chez moi. À mes parents, à mes proches, à ceux qui me manquent. Et je ne suis pas bien. Alors j’essaie de marcher pour chasser ça.


Si il y a un truc que je retiens de tout ce que j’ai vécu en France, c’est l’accueil. Et l’attention des profs. Les professeurs, vraiment, ils font un travail de ouf ! J’aimerais leur rendre hommage. Je pense aussi aux associations, qui militent et se battent pour la réussite des migrants, pour l’acquisition de nos papiers.