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Comment le protocole 6C aide les victimes en état de choc
Explication du protocole Six’C
Poser des questions ouvertes aux victimes pour les reconnecter au présent
Nicolas Delessale est grand reporter à Paris Match. Il revient d’Ukraine, un pays touché par la guerre depuis plusieurs semaines. Il nous explique ce qu’est le protocole 6C qui permet d’aider les victimes en état de traumatisme. “Quand on est en Ukraine, on est dans la ville de Jytomyr. Là, il y a des bombes de 500 kilos qui sont tombées sur un pâté de maisons, il ne reste plus rien. Là, on croise un homme, le type est clairement en état de choc, au moment où il nous parle, il y a les sirènes qui se remettent en route et il nous dit : “Ah, la dernière fois que j’ai entendu ces sirènes ma femme était vivante.” C’est-à-dire il y a moins de quelques heures. Il s’arrête en fait, il peut plus bouger, il peut plus parler”.
Face à cet homme en état de choc, qui n’arrive plus à s’exprimer, le journaliste a utilisé le protocole 6C en tentant de le faire revenir à la réalité par le biais de questions pratiques qu’il lui pose. “A ce moment-là, on voit qu’il y a une voiture écrasée, et on lui demande : “C’est quoi la marque de votre voiture ?” Et immédiatement, il doit répondre, il doit mobiliser son cortex préfrontal. “Est-ce que vous avez un téléphone portable ? Il est dans quelle poche ? À droite ou à gauche ? Combien vous avez d’enfants ?” Des questions ouvertes avec des réponses qui nécessitent la mobilisation du cortex préfrontal” commente le reporter.
Avant son départ en Ukraine, Nicolas Delesalle a été formé au protocole 6C qui permet de sortir une personne d’un état de sidération face à un événement traumatique. “En gros, il y a deux grosses parties du cerveau qui sont concernées à ce moment-là, l'amygdale et le cortex préfrontal. L'amygdale, c’est le siège des émotions, le cortex préfrontal, c’est le siège de la planification, de la rationalisation.” Cet outil neuropsychologique permet une réduction du stress aigu qui survient après un épisode traumatisant. Il permettrait de minimiser les séquelles sur le long terme et plus largement de faire baisser le nombre de suicides. Durant son reportage, le journaliste de Paris Match dit avoir eu l’occasion d’appliquer ce protocole “une dizaine de fois”: “Il consiste à ‘rebrancher’ la personne qui ne peut plus bouger, qui ne parle pas, ou qui est en larmes et que l’on voudrait aider”.
Voici le geste qui permet aux victimes de violences conjugales d’alerter sur leur situation.
La méthode 6C réduit de moitié le développement de TSPT
Emmanuelle Halioua est psychologue représentante officielle du Protocole Six’C en France. Elle revient plus en détail sur la méthode : “Le protocole 6C est un protocole dit d’activation cognitive et fonctionnelle. De façon plus simple, ça veut dire qu’il permet de faire basculer quelqu’un qui a buggé, qui est en état de détresse émotionnelle, qui est sidéré, à un retour, à un fonctionnement normal et efficace en quelques minutes. On a aussi découvert que le protocole avait eu un bénéfice secondaire important, c’est qu’il avait réduit quasiment de moitié de développer un syndrome de stress post-traumatique. La méthode “6 C” s’adresse à tout type de situations dans lequel vous vivez une détresse émotionnelle : viol, agression, accident de la route, catastrophe naturelle, attentat, violence intrafamiliale, harcèlement, etc.”
On parle de méthode “6C” parce qu’elle tire son nom de six manières de “déchoquer” une personne qui vient de subir un traumatisme. Ces six manières sont: Commitment (engagement), Cognition, Challenge (épreuve), Contrôle, Continuité et Communication. De cette façon, la personne formée au protocole va essayer de réactiver le cerveau de la victime pour empêcher autant que possible au traumatisme de s’installer durablement. Pour cela, il est nécessaire de poser des questions très simples, ouvertes, qui vont mobiliser la partie du cortex préfrontal. Parmi ces questions très concrètes, elles peuvent être de demander si l’individu a un téléphone, si oui, dans quelle poche, quelle est son adresse, s’il a des enfants, etc.
En Ukraine, Nicolas Delessale a appliqué la méthode 6C auprès de civils traumatisés par les combats. Dans la gare de Zaporojié, il a rencontré un jeune homme prosté qui était à côté de sa femme et de sa fille, “qui semblaient elles normales. Et j’ai compris après pourquoi après il était prostré, parce qu’il avait vu beaucoup de morts. Il était en état de choc.” Si le grand reporter explique que son réflexe naturel aurait été de poser sa main sur l’épaule de cet homme, là il a appliqué le protocole Six’C afin de faire revenir la victime à un fonctionnement normal.
“Le regard est perdu et d’un coup il revient. C’est vraiment pas de la magie, ça a été checké par IRM. Quand tu poses une question concrète à quelqu’un, il oublie le stress et il répond à la question en mobilisant une partie de son cerveau qui n’a rien à voir avec l’émotion.”
Depuis le 24 février 2022, le président de la Russie, Vladimir Poutine, a déclaré la guerre à l'Ukraine. De nombreux réfugiés ukrainiens ont rejoint les pays limitrophes pour fuir les bombardements et le conflit. L'armée russe est entrée sur les territoires ukrainiens. L'état d'urgence a été décrété dans le pays. A l'international, des sanctions économiques et financières ont été votées contre Moscou. Face à la guerre sur le terrain, la guerre de l'information a également été lancée. Découvrez comment les médias en Russie traitent le conflit ukrainien, qu'ils qualifient uniquement "d'opération spéciale".
Rupture, deuil, harcèlement, viol… Une méthode à utiliser en toutes circonstances
Ce protocole fonctionne pour tous types de situations, dans laquelle la victime peut vivre une détresse émotionnelle. Cela peut être une rupture amoureuse, un deuil, un viol, une agression, un accident de la route, une catastrophe naturelle, attentats, des violences interfamiliales, des cas de harcèlement, etc. “N’importe qui peut tester ce Six’C dans la vie quotidienne” explique le journaliste. “La formation 6C, elle est pas faite pour les conflits uniquement. Elle est faite pour tous et pour tout le monde.
Moi je l’ai apprise à mes filles, je leur ai fait une mini formation sauvage, j’ai dû dire beaucoup de bêtises mais c’est pas grave, elles ont retenu l’essentiel quoi. Et elles peuvent l’utiliser elles-mêmes avec leurs copains, leurs copines. C’est très, très simple en fait. Ça paraît trop simple, mais ça marche.”
Catastrophes naturelles, crises sanitaires, attentats, accidents, viols, agressions…Cette méthode permet de gérer n'importe quelle situation traumatique. En cas de symptômes visibles d'état de sidération, la prise en charge psychologique de la victime peut être enclenchée de manière efficace grâce au protocole 6C avant l'arrivée des premiers secours. Les conséquences sur la santé et de potentiel futur syndrôme de stress post-traumatique peuvent être également bénéfiques.
Timothé Nadim a été harcelé quand il était à l’école.
Il a créé un réseau social pour aider les victimes de harcèlement.
Qui est l’auteur du protocole Six’C ?
D’après le site officiel, le protocole a été élaboré en Israël par le Pr Moshé Farchi, Lieutenant Colonel de réserve et maître de conférence à l’Université de Tel Haï en Israël en résilience et stress aigu. Il est également responsable de gestion de crises sanitaires au sein du gouvernement israélien. L’armée de défense israélienne, l’armée Tsahal, utilise ce protocole pour en venir aux victimes, selon le gouvernement du pays. Ce protocole est de plus en plus utilisé par des équipes de journalistes et humanitaires dans d’autres pays pour prévenir les risques psychologiques de victimes après avoir vécu un traumatisme. Avant l’arrivée des secouristes, appliquer ces techniques Six’C permettent de préparer le travail des premiers secours et de “déchoquer” une personne traumatisée.