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La révolte chilienne
Au Chili, les manifestations continuent
Les manifestations au Chili, c’est 26 morts en deux mois et demi. Charles Villa s’est rendu sur place pour essayer de comprendre pourquoi la jeunesse se révolte.
Le mouvement de contestation chilien a démarré en octobre 2019 à cause de la hausse du prix du ticket de métro à Santiago. Les étudiants et la jeunesse sont d’abord descendus dans la rue pour demander le retrait de cette augmentation et faire pression sur le gouvernement. Mais rapidement, les revendications se sont transformées en lutte contre la vie chère, la corruption et les inégalités.
« L'arrogance de l’élite »
Monica Gonzalez, journaliste et écrivaine, analyse le phénomène : « Détruire les portiques du métro, les tickets, c'était une réaction d'étudiants qui en avaient marre qu'on augmente les prix et qu'on leur dise en plus de se lever plus tôt. Parce que c'est aussi une rébellion contre les mauvais traitements, contre l'arrogance d'une élite qui répète que si vous êtes pauvres, c'est parce que vous êtes mous. »
Parfois, les forces de l’ordre bloquent l’accès aux rues principales qui mènent au coeur de la ville. Elles restent là jusqu’à qu’elles décident de charger et de vider la place.
Émile, architecte qui participe aux manifestations, fabrique des boucliers. Il témoigne : « On peut le porter comme un sac à dos. L’idée, c’est de permettre aux gens qui font leur travail dans des endroits dangereux, comme les secours, de se sentir en sécurité. Les boucliers qu’ils ont actuellement les oblige à avoir quelqu’un qui le tient à la main. Ce serait bien d’avoir des boucliers qui tiennent debout tout seuls pour pouvoir se servir de ses mains afin d’aider les blessés. Ces bouclier sont faits pour résister à des balles en caoutchouc, ce qu’utilise la police tous les jours. Ce sont des balles de 8mm environ, qui contiennent 20 % de caoutchouc. Le reste, c’est du métal, comme du silice. Les boucliers doivent aussi encaisser les lacrymogènes. »
Plusieurs dizaines de milliers de manifestants chaque jour
Sur la place, il y a plusieurs dizaines de milliers de personnes. C’est uniquement dans les rues adjacentes qu’il y a des combats avec les forces de l’ordre. À chaque fois, quelques centaines de personnes se battent avec elles. Ils envoient des projectiles sur la police, et quand elle s’apprête à charger, ils reforment, puis déforment leurs rangs.
« Le fossé entre les riches et les pauvres est visible ici. Ce n’est pas nous, les méchants. Les méchants sont ceux qui soutiennent l’énorme fossé qu’il y a entre la réalité d’un pauvre et celle d’un riche. On en a marre. On n’en peut plus. Nous, on n’est pas violents, c’est le cœur qui parle, c’est la rage. Parce que j’ai trois enfants, parce que je suis un ouvrier qui n’obtient que de la merde, comme tous ces gens, on ne gagne rien pendant qu’il y en a qui gagnent deux fois plus, trois fois plus que nous. Ça ne peut plus durer. C’est les travailleurs qu’il faut soutenir. Ici, au Chili, si tu n’as pas d’argent, tu n’as pas accès à la santé. Si tu n’as pas d’argent, tu n’as rien, mon vieux », confie un manifestant.
« On nous traite comme des délinquants »
Si les jeunes sont en colère, c’est principalement contre le coût de l’enseignement supérieur. Et cette colère est allée très loin : les manifestants ont mis le feu à une université, qui s’est effondrée. Le niveau de violence n’arrête pas de monter. Au milieu de ce chaos, Charles a rencontré Adriel, un jeune Chilien de 21 ans qui vient toutes les semaines à Santiago pour être en première ligne de la contestation.
« Je manifeste notamment pour mon petit frère. Pour la génération à venir. C’est eux qui vont en bénéficier si nous réussissons. Je proteste contre les inégalités sociales. Parce que les classes sociales d’en haut ont plus de privilèges que celles d’en bas. C’est une espèce de révolution, mais ce n’est pas une guerre, comme le dit le président Sebastián Piñera. Les gens sont fatigués d’avoir subi des abus pendant 30 ans. Les gens âgés sont en train de mourir, parce qu’ils ne peuvent pas vivre avec 100.000 pesos par mois. Ma mère, par exemple, ne travaille pas en ce moment. Et quand elle le fait, son salaire n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ses enfants. Je suis en colère contre l’État. Nous manifestons pacifiquement et non nous traite comme des délinquants. »