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Mexique : les vrais narcos

Les séries sur les narcotrafiquants cartonnent partout dans le monde. Pour Brut, Charles Villa est parti au Mexique voir comment ça se passe dans la réalité.
Publié le
17
/
04
/
2020

Au cœur du business de narcotrafiquants mexicains


Notre reporter Charles Villa s’est rendu dans l’État de Guerrero pour filmer les différentes étapes de production de la drogue à destination du marché américain.


Narcos, Sicario, Savages… Les séries et les films sur les narcotrafiquants cartonnent partout dans le monde. Mais savez-vous vraiment comment les cartels produisent leur drogue ? Notre reporter Charles Villa s’est rendu au Mexique pour filmer les différentes étapes de production de la drogue à destination du marché américain.


Ce sont les habitants qui cultivent l’opium


Au cœur des montagnes de l’État de Guerrero, l’une des régions les plus dangereuses du pays et l’une de celles où l’on produit le plus d’héroïne, des habitants cultivent l’opium. On estime que 50.000 familles survivent grâce à cela. Ces petits agriculteurs vendent une fois par an leur récolte aux barons de la drogue. C’est le cas de Santigo, que nous avons interviewé.


Le champ de fleurs de pavot somnifère – aussi appelé pavot à opium – où travaille Santiago est camouflé par de grands champs de maïs. Une stratégie pour cacher une plantation illégale, avec des fleurs pouvant atteindre 3 mètres de haut.


« On sait que c'est un délit, mais où trouver de l'argent pour manger ? »


« Il n'y a rien d'autre à faire ici. Il n’y a pas d’autre travail qui nous permette de gagner notre vie, de manger, d’élever les enfants. On sait que c'est un délit. On sait que c'est de la drogue, mais où trouver de l'argent pour manger, sinon ? Parfois, les criminels viennent voler notre travail. C’est pourquoi nous restons sur nos gardes. Nous sommes armés », raconte Santiago.


Sur les plantations de fleurs de pavot, les journées commencent dès 7 heures du matin. Les travailleurs viennent récolter le latex en frottant un petit cylindre en métal contre le pistil de la fleur de pavot somnifère. Ils en extraient ensuite une matière marron, qui deviendra de l’opium. « On doit le collecter doucement, parce que sinon, on n'arrive pas à l'extraire, et il reste dans le fruit », explique Santiago.


« Je veux que mes enfants s'en sortent pour qu'ils puissent aller de l’avant »


Dans les champs, toute la famille travaille, même les plus jeunes. Celia, femme de Santiago et mère de famille, reconnaît qu’elle n’a pas d’autre choix. « Parfois, mes enfants tombent malades. Comment je vais trouver de l'argent pour l'hôpital ? L'hôpital nous fait payer 40 ou 80 euros. Comment on trouve cet argent ? On est obligé de travailler ici », déplore-t-elle.


« Je veux que mes enfants s'en sortent pour qu'ils puissent aller de l’avant. Je ne veux pas qu'ils souffrent comme je souffre sous ce soleil. Je veux que mon fils soit professeur ou avocat, mais comme il n'y a pas d'argent, il ne peut pas le faire », conclut tristement la mère de famille. Celia rêve de quitter cette misère avec ses enfants et sa famille pour traverser la frontière des États-Unis et rejoindre ses deux enfants aînés, qui ont réussi à passer il y a quelques années.


L’opium est ensuite vendu aux narcos


Une journée type pour la famille de Celia et Santiago, c’est de remplir environ six cylindres, à peu près à 200 grammes d’opium. Sur le marché, cela vaut 500 pesos, soit 25 euros. Une toute petite somme quand on sait qu’ils sont huit à travailler toute la journée. La famille met ensuite la pâte obtenue dans un pochon.


À la fin de la saison, ils vendront ce pochon aux narcos, qui sera transformé pour être vendu. Celia et sa famille sont le premier maillon de la chaîne du trafic de drogue international. Et ils sont extrêmement pauvres. On est donc très loin du cliché des narcotrafiquants multimillionnaires…


L’héroïne est fabriquée en laboratoire


Ce produit est ensuite transformé. Notre reporter a pu s’introduire dans le laboratoire du cartel de Sinaloa, le plus puissant d’Amérique latine. Ici, on fabrique de l’héroïne avec de l’opium et du fentanyl. Le fentanyl est un opiacé synthétique, une substance chimique 50 fois plus puissante que l’héroïne. Et c’est actuellement la drogue qui tue le plus aux États-Unis.


Un « cuisinier », qui souhaite garder l’anonymat, détaille le processus de fabrication de l'héroïne. « Il s'agit de 50 % d'opium et 50 % de fentanyl. On fait bouillir le mélange obtenir de la pâte. On verse ensuite un liquide appelé acétate pour remuer le mélange et le faire cuire. Le but, c’est que l'opium et le fentanyl se dissolvent dans le liquide. » L’homme l’affirme sans détour : cette drogue a tué beaucoup de gens. « Des personnes qui ne savaient pas comment l'utiliser », précise-t-il toutefois.


L’armée presque impuissante


Ces cuisiniers n’ont pas vraiment peur de l’armée. Et pour cause. « On a toujours quelqu'un qui nous informe par radio. Et quand les militaires sont encore loin, on les entend venir », assure l’un d’entre eux.


La deuxième étape de la fabrication de l’héroïne, c’est la filtration. On filtre le liquide, puis on le récupère, avant de le laisser s'aérer pendant une journée entière. « Ensuite, nous allons faire sécher la drogue. Elle va devenir un peu plus claire, plus jaune. Nous devons encore la laisser un jour de plus pour qu'elle devienne un peu plus claire, plus blanche », ajoute un membre du cartel.


« Les deux seules sorties sont la prison ou la mort »


Ici, à Culiacán, le produit fini se vend environ 10.000 dollars. Une somme quasi dérisoire quand on la compare au prix du kilo de fentanyl, qui atteint 25.000 dollars à Los Angeles et 38.000 dollars à New York. Ceux qui la fabriquent gagnent plusieurs milliers de dollars par mois, mais doivent régulièrement éliminer des ennemis pour assurer la continuité de leur business. « Nous faisons ce qu'on nous dit de faire parce qu'il n'y a pas toujours de travail dans la cuisine de la drogue », développe un membre du cartel.


Aucun d’entre eux ne ressent de remords, car ils sont convaincus que les personnes qu’ils ont tuées en auraient fait de même avec eux. « Dans ce travail, vous n'avez pas à penser avec votre cœur, car si vous pensez avec votre cœur, vous mourrez », résume l’un d’eux. Ce travail est par ailleurs indispensable pour nourrir leur famille. Il est de toute façon trop tard pour sortir de la spirale. « Une fois que vous êtes entré ici, il n'y a pas d'issue. Les deux seules sorties sont la prison ou la mort. »