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La sortie aux USA de "Mon mari", premier roman de Maud Ventura – Brut Book

"Quelqu'un que je ne connais pas, qui habite aux États-Unis, que je rencontrerai jamais, il va tomber sur ce livre et il va l'acheter. Je trouve ça dingue !" BRUT BOOK. À 28 ans, elle a publié "Mon mari", son premier roman. 2 ans plus tard et 300 000 exemplaires écoulés, son livre est désormais traduit en plusieurs langues : Maud Ventura n'en revient toujours pas. Mais comment ça se passe quand un livre est adapté à l'étranger ? Elle raconte.
Publié le
12
/
11
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2023

Une version italienne, anglaise, américaine… “Mon Mari”, le premier roman de l’écrivaine française Maud Ventura, aujourd'hui 30 ans, a rencontré un vif succès. Brut l’a rencontrée pour qu’elle nous explique comment se déroule l’adaptation et la traduction d’un livre. "Mon mari” est sorti en 2021 en France. “C’est l'histoire d'une femme qui est follement amoureuse de son mari, et ça tourne à l'obsession dévorante et à la folie” raconte l’autrice. Après avoir rencontré le succès en France, l’éditeur de Maud Ventura lui propose de le traduire dans plusieurs autres langues. “Quand un livre est traduit à l'étranger, souvent, c'est un système d'enchères. Donc, la personne dans ma maison d'édition trouve un éditeur intéressé, par exemple, aux Etats-Unis. Et là, il recontacte toutes les maisons d'édition aux États-Unis potentiellement intéressées en disant: "OK, les enchères commencent. D'ici lundi prochain, les droits seront vendus. Qui dit mieux?" Et chaque éditeur fait son offre” décrit l’écrivaine. 

Sauvage de Julia Kerninon — Brut Book


"Quelqu'un que je ne connais pas, qui habite aux États-Unis, que je ne rencontrerai jamais, il va tomber sur ce livre et il va l'acheter. Je trouve ça dingue !"


L’offre financière peut également s’accompagner d’une note d’intention. “Je ne sais pas, une page Word où l'éditeur dit pourquoi il veut publier le texte et pourquoi avec lui ce sera vraiment génial et quelle est sa vision du livre. Pour les États-Unis, on a eu plusieurs offres et donc je regarde les différentes propositions. Je regarde évidemment la proposition financière, mais pas que. Je regarde la note d'intention. Et donc la plupart des éditeurs américains écrivent: "J'ai adoré ce livre, me disaient: il est super, on voudrait le publier aux États-Unis, on serait ravis”, etc.". Et là, j'ai une éditrice américaine qui me dit : "J'ai adoré votre livre. En revanche, si vous venez avec moi, il faudra retravailler le livre légèrement parce que le public américain est différent du lectorat français." Moi, je suis assez curieuse, ça a piqué ma curiosité et donc j'ai choisi cette éditrice” explique Maud Ventura. 

Brut Book — Submersion par Bruno Patino


Les attentes des lecteurs américains sont très différentes de celles des lectures français. C’est ce qu’a compris l’écrivaine en échangeant avec son éditrice américaine. “Ce qu'elle m'a dit, c'est notamment: "Votre livre met peut-être trop de temps à commencer alors qu'un lecteur américain a besoin que dès les cinq premières pages, ça commence du tonnerre et que dès le début, le lecteur soit incité à tourner les pages. Donc on a vraiment besoin d'un début marquant où, dès les premières pages, il se passe quelque chose de fort”. Et donc là, elle m'a proposé de prendre un extrait du livre qui était dans le dernier chapitre, de le remettre au début pour créer une espèce d'effet d'attente. Donc le texte en français et aux Etats-Unis n'est pas tout à fait le même. C’est ce qu'on appelle une prolepse, une espèce de flash de ce qu'il va se passer à la fin du livre. Ça m'a fait penser aux séries américaines que je peux regarder, où effectivement, dès les cinq premières minutes de la série, il faut qu'il se passe quelque chose, c'est un peu une quête du suspense Donc, ça m'a fait sourire. Je me suis dit qu'effectivement, c'était très américain, et en même temps, je me suis dit que moi, en tant qu'écrivaine, j'avais quelque chose à apprendre de ça”. 

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“Avoir son texte qui arrive aux États-Unis, c'est phénoménal, c'est impensable”


Maud Ventura ajoute qu’elle croit “vraiment au métier d'éditeur”: “Je pense que l'éditeur connaît son lectorat. Je ne suis pas américaine, je ne vis pas aux États-Unis, elle est éditrice, elle connaît bien le lectorat américain donc je lui fais confiance”. Elle indique qu’elle a lu “quelque part que c'était à peu près 2 % des livres écrits en français qui seraient publiés aux Etats-Unis, incluant Proust, Balzac et tous nos classiques. Donc c'est vraiment très rare, alors que l'inverse n'est pas du tout vrai. Il y a beaucoup de livres américains qui vont être traduits en France. Donc, déjà, avoir son texte qui arrive aux États-Unis, c'est phénoménal, c'est impensable et c'est champagne, j'ai envie de dire!”

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Pour la traduction de son livre, l’écrivaine explique que c’est son éditrice américaine “qui a choisi une traductrice avec qui elle voulait travailler depuis longtemps. C'est une traductrice primée, reconnue, elle se disait: "Ah! C'est le moment! On va enfin pouvoir travailler ensemble.” Et donc, elle lui a confié mon texte. La traductrice a proposé une première version et ensuite j'interviens. J'ai tout relu et mis des commentaires dans la marge sur Word en revoyant un peu chaque détail”. L’héroïne principale reste dans toutes les éditions étrangères une Française. C’est par les retours de ses éditeurs étrangers que l’écrivaine a pris conscience du point auquel son personnage était français. “Et notamment, mon éditrice américaine m’a dit: "Mais elle est tellement française, ton personnage!" Je lui dis : "Ah bon, pourquoi?" Elle dit:"Parce qu'elle va faire ses courses au marché, parce qu'elle achète des fleurs pour aller à un dîner.” Enfin, plein de petits détails qu'on ne remet pas forcément en question quand on a vécu en France toute sa vie”. Maud Ventura explique que c’est ainsi qu’elle a découvert à quel point “les Américains sont fascinés par les Françaises”.

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“En Italie, les journalistes vont vouloir me faire parler de politique”


Lorsque l’on publie un livre dans différents pays à l’étranger, on rencontre également différentes nationalités de journalistes et tout autant de questions différentes, marquées par la culture des uns et des autres. “Pour les journalistes américains, leurs questions, c'était beaucoup plus sur moi, sur l'intime, sur le storytelling. Ils voulaient savoir dans quel contexte j'avais écrit ce livre, si j'étais toujours en couple avec la personne dont parlait potentiellement ce livre. Les Américains allaient vraiment chercher l'histoire et l'intime. En Italie, les journalistes vont vouloir me faire parler de politique, avoir ma prise de position sur le féminisme, sur la politique en France. Et je me disais : mais quel est le rapport avec mon livre? Et en fait, il y en avait aucun, mais c'était: on veut avoir votre prise de position politique et féministe en tant que personnalité intellectuelle, en tant qu'écrivaine”.

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Le premier roman de Maud Ventura, “Mon Mari”, a été vendu à 300 000 exemplaires. “Quand je le dis, je n'y crois pas moi-même, mais c'est vrai, 300 000 exemplaires. Ce qui est énorme pour un livre et ce qui est encore plus énorme pour un premier roman. C'est ça, en termes de statistiques... C'est une anomalie statistique, c'est très, très rare. Et pourtant, ça a été le destin assez exceptionnel de mon premier roman et ça me rend vraiment très heureuse tous les jours” confie l’écrivaine. 

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