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Le quotidien d'Anne, éboueure à Paris
Il est 6h10 du matin quand Anne Fleury, éboueure, commence sa tournée. “Le matin, ça pique un peu, surtout en ce moment, il commence à faire froid, donc on est mieux dans la couette”. Anne apprécie son métier pour différentes raisons: “On bouge beaucoup, on est dehors, on n'a personne derrière nous… On fait de tout, du sport, du cardio, de la muscu... Pas besoin d'aller à la salle! C'est tout bon!” Chaque jour, elle fait entre 200 et 300 fois ce même geste: attraper une poubelle et la vider dans la benne du camion poubelle. A 50 ans, Anne a fait un burn-out dans son précédent emploi. Elle décide alors de passer le concours pour devenir éboueure. “Il fallait vraiment que je change de travail, parce que sinon, je sais pas ce qu’ils m'auraient eue à l'usure. Franchement, j'étais au bout du rouleau. Et quand j'ai passé le concours, ça a été une délivrance. Là, je suis bien, moi, c'est parfait” commente Anne.
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“L'utilité, on ne la met pas en valeur dans la société”
Si son métier est essentiel, il est courant que les gens ne sont “pas du tout” respectueux. “On a vu la différence pendant les vacances, au mois d'août, où c'était vraiment propre, même les rues, et puis quand ils sont revenus de vacances, ben ça recommence. On est payés pour ça, alors “vas-y, ramasse la merde". Quand on est dans une rue à sens unique, évidemment, on bouche la rue, donc on est klaxonnés, mais bon... Ça sert à rien, de toute façon, ça n'ira pas plus vite”. Dans son atelier, sur une quarantaine de personnes, elles sont seulement six filles. Une fois le premier tour terminé, direction le caveau, l’atelier. “On va aller se réchauffer, on va aller prendre un café”.
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Anne Fleury est l’une des 13 femmes que la journaliste Salhia Brakhlia a rencontrées pour son livre “Essentielles”. “Quand je l'ai rencontrée, j'ai vite compris pourquoi elle était essentielle. Faut avoir un courage, déjà, pour se lever tôt le matin, d'aller ramasser les déchets des gens, et surtout, elle le dit pas, mais faire face au regard des gens. Moi, ce qui m'avait frappée, c'est qu'elle m'avait raconté que dans la rue, parfois, le matin, quand elle ramasse les poubelles, quand elle ramasse les déchets, eh ben il y a des femmes, par exemple, qui sont en talons hauts, bien apprêtées, bien maquillées... - Qui regardent d'un air de dédain... Et ça, il faut le subir et il faut pouvoir y faire face” explique Salhia Brakhlia.
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“La reconnaissance, elle passe par le regard et elle passe aussi par la rémunération”
“La reconnaissance, elle passe par le regard et elle passe aussi par la rémunération. Je me rappelle de la phrase d'Emmanuel Macron qui disait: "Il faudra se rappeler que la société ne rémunère pas assez ses premières lignes, ses secondes lignes..." Cela n’a pas changé” affirme la journaliste Salhia Brakhlia qui ajoute: “Je fais une interview politique. Tous les matins, je reçois effectivement des politiques, des membres du gouvernement, des personnalités politiques en général, mais aussi des grands patrons... En majorité, effectivement, ce sont des hommes, et je me disais : est-ce que leur utilité dans notre société vaut la place médiatique qu'ils occupent, en fait? Et typiquement, des femmes comme Anne qui sont éboueures, son utilité, elle est juste pas à démontrer, on la voit tous les matins, on la voit tous les midis, voilà, tout le monde la voit, et ce sont des femmes qu'on n'entend pas”.
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La journaliste ajoute: “Anne a hésité clairement à accepter l'interview parce qu'elle avait peur de s'exprimer. Vous vous rendez compte. On leur donne tellement pas la parole que le premier truc qu'elle m'a dit, c'est: je ne sais pas parler. C'est carrément du manque de confiance en soi de se dire: en fait, il y a ceux qui sont intelligents, éduqués, ils ont la parole facile, eux, ils ont le droit d'être mis en lumière, et puis, ben, nous, on est les manuels et on va pas s'exprimer. On met en valeur des trucs, genre le succès par l'argent, les influenceuses, des trucs qui sont totalement superficiels. L'utilité, on ne la met pas en valeur dans la société”.
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