L’histoire des algues vertes en 8 moments clés

Elles seraient à l'origine de plusieurs décès. Cet été, comme chaque année, elles ont envahi les côtes bretonnes. Voici l'histoire polémique des algues vertes en 8 moments clés, racontée par la documentariste Inès Léraud.
Publié le
13/8/2019
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L'histoire des algues vertes en 8 moments clés


Elles seraient à l'origine de plusieurs décès. Cet été, comme chaque année, elles ont envahi les côtes bretonnes. Voici l'histoire polémique des algues vertes en 8 moments clés, racontée par la documentariste Inès Léraud.


Bretagne : 1968-1987


Dans les baie de Lagnon et de Saint-Brieuc, des nappes d'algues vertes apparaissent pour la première fois sur les plages. En séchant au soleil, elles dégagent une odeur pestilentielle. Le phénomène se répand petit à petit sur de nouvelles zones.


1988


Après 3 ans d'étude sur les causes des marées vertes, deux chercheurs de l’IFREMER, l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer pointent la responsabilité des nitrates, issus des engrais agricoles et des élevages porcins. Suite à leurs recherches, les élus leurs disent « que c'était pas possible, qu'il fallait revoir ces conclusions et que d'après leurs propres études faites en parallèle, les algues vertes seraient plutôt liées au phosphate émis par les stations d'épuration des villes » raconte Inès Léraud, journaliste et documentaliste.


Juillet 1989


Le journal Ouest-France publie un article : « Les algues vertes ont peut-être tué ». C'est la première fois qu'on parle du danger toxique des algues vertes. Quelques jours plus tôt, un joggeur de 26 ans a été retrouvé mort dans un amas d'algues vertes. Conduit à l'hôpital, il est pris en charge par Pierre Philippe, un médecin urgentiste. Celui-ci ne peut pas réaliser d’examens, tellement l'odeur est insupportable. « Et cette odeur, elle est pas du tout liée à l'état du corps, qui serait en putréfaction, pas du tout, le corps est frais, mais à l'état des algues dans lesquelles le corps est englué » explique Inès Léraud, journaliste et documentaliste.


Tout de suite, Pierre Philippe, médecin urgentiste, pense que la mort de ce jeune homme peut être liée à ce gaz nauséabond qui se dégage de ces algues. Pierre Philippe demande une autopsie, mais il n’en aura jamais les résultats. En se décomposant, les algues vertes rejettent notamment de l'hydrogène sulfuré, I'H2S, un gaz toxique pouvant entraîner la mort à forte concentration.


Au fil des années, plusieurs intoxications potentielles d'humains et d'animaux sont signalées. Mais « toutes ces alertes n'ont jamais été prises en compte et chaque cas nouveau suspect est toujours invalidé », précise Inès Léraud, journaliste et documentaliste.


28 juillet 2009


Un cavalier évanoui et son cheval mort sont retrouvés sur la plage de Saint-Michel-en-Grève. « J'ai vu mon cheval qui arrêtait de ventiler qui mourait de manière extrêmement rapide et moi, dans la foulée, je me suis évanoui » raconte Vincent Petit, cavalier et vétérinaire. Une autopsie est pratiquée sur le cheval. Dans ses poumons, on retrouve un taux extrêmement élevé d'hydrogène sulfuré.


20 août 2009


Face à la médiatisation de l'affaire, 4 ministres se rendent sur le lieu de l'accident. « L'omerta est enfin brisée » estime Inès Léraud. La ministre de l’Environnement de l’époque, Chantal Jouanno, déclare être « étonnée par le nombre d'années, pendant lesquelles on a joué la politique de l'autruche. » François Fillon, qui est alors Premier ministre, annonce le nettoyage des plages et que des engagements ont été pris avec les agriculteurs. Un plan algues vertes est annoncé pour résoudre le problème et on prévoit de réduire le phénomène des marées vertes d’ici 2015.


Été 2011


36 sangliers, 5 ragondins et 1 blaireau sont découverts morts aux abords de l'estuaire du Gouessant. Les algues vertes sont de nouveau pointées du doigt. « Alors que tous les éléments convergent vers le fait que l'hydrogène sulfuré soit bien la cause de ce décès collectif, l'administration et notamment la préfecture des Côtes-d'Armor, va sans cesse mettre en doute ces conclusions scientifiques » relate Inès Léraud, journaliste et documentaliste.


Face à de nouvelles critiques visant l'agriculture intensive, un syndicat agricole organise un match de foot sur une plage proche. « On ne peut plus accepter d'être pris pour les seuls responsables de tout ce qui se passe dans cette baie » déclare Didier Lucas, président du syndicat FDSEA Côtes D’Armorà cette occasion.


2016


Puisque les marées vertes n'ont pas vraiment diminué, on met en place, en 2016, un 2ème plan algues vertes, qui est censé durer jusqu'en 2021. Le 8 septembre 2016, nouvelle mort suspecte : un joggeur est découvert dans l'estuaire du Gouessant. Âgé de 50 ans, l’homme serait décédé en essayant d’aller secourir son chien. Aucune prise de sang n’est faite et l’autopsie aura lieu que des semaines après. Mais à ce moment-là, il n'est plus possible de savoir d'où provient l'hydrogène sulfuré puisque le corps en putréfaction, produit lui-même de l'hydrogène sulfuré.


« Le procureur de Saint-Brieuc va dire au terme de deux mois qu'aucun lien ne peut être fait entre les algues vertes et la mort de ce joggeur, mais dans le même temps, il va demander aux mairies de vraiment mettre des panneaux pour dire que cet endroit, l'estuaire du Gouessant, est très dangereux » raconte Inès Léraud, journaliste et documentaliste.


Été 2019


Le système de ramassage mis en place n'arrive pas à venir à bout des algues vertes donc les mairies sont obligées de fermer certaines plages. Cette année, un nombre exceptionnel de plages bretonnes ont été fermées. En plus, même les centres de traitement des algues vertes n'arrivent pas à venir à bout de ces algues vertes. Le centre de traitement de Lantic, par exemple, a été obligé de fermer et les algues qu’il devait traiter dans les Côtes-d'Armor, ont été épandues dans les champs.


Le 6 juillet 2019, un ostréiculteur meurt brutalement dans la baie de Morlaix. Plusieurs associations mettent de nouveau en cause les algues vertes. Mais une analyse poussée écarte cette théorie. « Au terme de mon enquête, j'ai compris qu'il y avait une phrase qu'on ne pouvait pas dire en entier, c’est : “Les algues vertes proviennent de l'agriculture intensive et tuent.” (…) Ça pose un vrai problème à la fois à l'administration en Bretagne et aux industriels » conclut la journaliste et documentaliste Inès Léraud.