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Maïwenn discute avec Augustin Trapenard
“La condescendance, c'est très facilement palpable dans ce milieu”
À l’occasion de la présentation de son film Jeanne du Barry, en ouverture de la 76ème édition du Festival de Cannes, Augustin Trapenard s’est entretenu avec Maïwenn, réalisatrice de films à succès tels que Mon roi, Polisse ou encore ADN. Lors de cet entretien, celle-ci évoque Jeanne du Barry mais aussi tout ce qui entoure son métier de réalisatrice. “J'ai encaissé beaucoup de regards condescendants, jaloux, méprisants, que ce soit sur le milieu d'où je venais, ce soit sur que sur mon jeune âge que j’avais au moment où je suis arrivée dans le cinéma et où je voulais faire des films. C'est plein de choses”. Dans son métier, Maïwenn essaie de se protéger du regard des autres et de rester dans sa création, “mais ce n’est pas toujours facile”.
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Elle ajoute que ce regard blesse, surtout pour le film Jeanne du Barry, qui représente une métaphore d’une partie de sa vie où elle était très jeune. “C'est quand j'avais quinze ans, je débarquais dans ce milieu. J'étais d'un homme qui avait du pouvoir et où je sentais que pour la plupart des gens, ce n'était pas perçu comme de l'amour sincère, c'était forcément un homme attiré par une jeune fille et une jeune fille attirée par l'argent et le pouvoir. C'est très mal vu les gens différents qui s'aiment”. Dans la violence de ce jugement, Maïwenn confie qu’on peut s’en remettre, sans pour autant oublier. “J'ai eu la chance de faire mes films, d'être écoutée, regardée et adoubée, donc quelque part, je n'ai pas besoin de me venger, la vie m'a aidée pour ça”.
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“Elle comble un complexe d'infériorité”
Dans le choix de personnage que la réalisatrice a choisi de mettre en avant dans son film car elle n’avait pas rencontré le mérite qu’elle aurait dû connaître, Maïwenn explique que le personnage comble un complexe d’infériorité, grâce à son ascension sociale. Une élévation qui fait écho à sa propre vie. “Elle comble un complexe d'infériorité, parce que j'ai arrêté l'école à quinze ans, comme Jeanne, et je trouve participe aussi à notre statut d'artiste. J’aime la curiosité, ce qui n’est pas exactement pareil que "j'aime les gens cultivés". Aujourd’hui, l’actrice estime qu’elle ne cherche plus à être approuvé par les gens du milieu mais surtout par elle-même. “Pour avoir le désir de faire un film, il faut avoir une passion qui brûle en permanence. En fait, il n'y a pas de place pour le milieu du cinéma ou des sentiments, comme se faire approuver par le métier. Ça me pollue, en fait, ça pollue le désir, ça pollue la création”. Elle dit ne laisser plus de place au doute. “Je me souviens que, au début, quand je voulais faire Polisse, je n'étais pas crédible dans le langage des films policiers, mais pour moi, il y avait un désir qui brûlait. Le désir est quelque chose qui me tient”.
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“Le scandale, je n’aime pas ça”
Dans le monde du cinéma, Maïwenn a très vite compris que la force du cinéaste était d’avoir de l’autorité sur le public, le spectateur et de ne pas être sensible au médiocre. Sur les plateaux, la réalisatrice raconte avoir eu des résistances par rapport à la mise en scène, un problème qu’elle trouve intéressant quand il mène vers la discussion : “C'est intéressant aussi d'avoir quelqu'un qui n'est pas d'accord, parce que ça discute, ça débat, et parfois, il en produit des choses très intéressantes. Parce que moi, je n'arrive pas sur un plateau en ayant la science infuse. J'adore que ça soit le fruit d'un travail collectif”. Face à ceux qui s’imposent dans ce milieu, Maïwenn confie que “On se fait plein d'ennemis, mais en même temps, on gagne en autorité, en liberté, en identité, je dirais, plus. On risque de faire scandale aussi mais je ne le cherche pas, je n’aime pas ça”.
Son choix de Johnny Depp
Dans son film “Jeanne du Barry”, Maïwenn arbore deux facettes : actrice et réalisatrice. “J'ai besoin des deux, mais ça me provoque des sensations différentes quand je fais l'un ou l'autre. Si je ne fais que jouer sans réaliser, c'est tout bête, mais je me sens regardée, aimée, et ça fait remonter mes hormones féminines. Et quand je ne fais que réaliser, bizarrement, c'est vrai que je me sens beaucoup plus dans une bulle masculine. Je me sens un peu en retrait du monde. J'ai la sensation de crier, quand je réalise, alors que quand je joue, c'est plus s'exprimer avec la bienveillance d'un regard derrière”.
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Dans ce film, elle est accompagnée de l’acteur Johnny Depp, un choix qui lui semble juste pour interpréter un rôle de roi. “J'ai cherché à proposer le rôle à un acteur français et ça ne s'est pas fait. Après ça, je me suis dit 'j'ai le choix, soit je suis loyale à ma nationalité et je prends un acteur français que j'aime moyen, qui n'incarne pas, selon moi, la royauté, soit j'écoute mon désir et je reste loyale à mon désir'. Et c’est à partir de là, je me suis dis 'il n'y a pas photo, il n'y a pas de doute, je dois faire face à mon désir'. Parce que j'adore l'acteur, je sentais chez lui les côtés du Louis XV à savoir un roi plein de paradoxes, dark, écorché, romantique, et puis un charisme qui est là, sans paroles. Il arrive quelque part et, déjà, on sent que c'est un roi”.
Pour cette ouverture du festival, Maïwenn espère que la soirée ne sera pas impactée par un mouvement féministe, le procès impliquant Johnny Depp et son ex-épouse Amber Heard s’étant terminé il y a quelques mois seulement. Amber Heard avait porté plainte contre son ex-mari Johnny Depp pour violences conjugales. “Ça me ferait de la peine qu'on veuille gâcher la soirée, c'est un film réalisé par une femme, sur une femme, pas n'importe quelle femme, en parlant de Jeanne du Barry, qui était ultra-moderne, dans le sens où elle disait, elle faisait des choses qui sont actuelles”.