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Manon Garcia sur la soumission des femmes
La soumission des femmes, par Manon Garcia
Pour la philosophe féministe Manon Garcia, toutes les femmes sont soumises à un certain degré, car c’est l’éducation qu’on leur a donnée et ce que la société entretient.
« Les femmes se soumettent. Elles sont actives dans cette soumission. On a tendance, quand on parle de soumission féminine, à penser que ce sont les femmes voilées ou les femmes au foyer qui sont soumises. Mais la soumission, ça arrive à toutes les femmes. » C’est la thèse de la philosophe féministe Manon Garcia. Pour Brut, elle développe et argumente son assertion volontairement provocante.
« On est invitées à penser que c’est la bonne façon de se comporter »
On est aussi soumise quand on s’affame pour rentrer dans une taille 36, quand on s’occupe de faire des repas parfaits à instagrammer pour montrer à quel point on est une bonne petite amie et mère de famille. Une femme, qui fait énormément de sport pour être mince et jolie, et se maquille… Le maquillage, ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Il y a un plaisir pris à la soumission.
Mais c’est normal, ça ne veut pas dire que les femmes sont vicieuses de ne pas prendre du plaisir à la liberté et de prendre du plaisir à la soumission. Quand une société est construite d’une certaine manière, si on joue le jeu qui nous est proposé, on est valorisé. Et on est invité à penser que c’est la bonne façon de se comporter. Il y a des femmes qui prennent un plaisir infini à repasser les chemises de leur mari parce qu’elles se disent : « Ah là, je fais vraiment la bonne femme. »
« Les femmes qui ne jouent pas le jeu de la féminité sont punies pour ça »
Sexuellement, c’est aussi très important, parce que l’érotisme est construit par ces normes de genre. Beaucoup de femmes désirent la soumission sexuelle alors que dans leur vie quotidienne, elles sont très libres. On apprend aux petites filles à être gentilles et calmes dès les premiers jours de leur vie. On les éduque à la soumission. C’est très difficile de se départir de ça.
Il y a des femmes, dont on dit qu’elles sont très masculines parce que simplement, elles ne jouent pas le jeu de la féminité. Mais elles sont punies pour ça. On le voit dans le traitement d’Angela Merkel, qui est toujours attaquée sur le fait qu’elle ne soit pas très jolie, qu’elle ne soit pas très sexy, qu’elle ne sourie pas assez.
« Les femmes se sentent tout le temps coupables »
Moi, je trouve que c’est un des grands phénomènes de l’existence des femmes dans nos sociétés contemporaines : elles se sentent tout le temps coupables parce qu’elles sont tiraillées entre l’impératif de liberté et l’impératif de féminité, qui est un impératif de soumission. Quand on joue le jeu de la soumission à fond, la société nous dit qu’on n’est pas assez libre. C’est ce qu’on trouve dans les expressions « une potiche », une « ravissante idiote »…
Mais une femme qui choisit de vivre la liberté sans jouer le jeu de la féminité, on va dire qu’elle est masculine, qu’elle n’est pas belle, qu’elle n’est pas charmante. Tout est fait pour que les femmes se sentent tout le temps coupables. Parce que ce n’est pas possible d’être à la fois libre et soumise.
« La seule solution, c’est d’érotiser l’égalité »
Une fois qu’on commence à comprendre qu’on est partie prenante d’un système qui nous désavantage au niveau macro, à un niveau plus large, c’est intéressant de se dire : « Ah oui, ces petites conduites-là, où j’ai l’impression que c’est du niveau de l’intime et de mes choix personnels, c’est aussi quelque chose de politique. »
La seule solution, c’est d’érotiser l’égalité. On a cette espèce d’image comme quoi ce qui est sexy, c’est de plaquer une fille contre un mur plus ou moins contre son gré, comme on voit dans les James Bond, dans La Guerre des étoiles… Mais au fond, ça peut être aussi très sexy de trouver des moyens de dire : « Est-ce que t’as envie de ça ? » ou « Moi, je voudrais t’embrasser, est-ce que c’est ok ? »
C’est juste qu’on a des structures mentales qui font que l’égalité n’est pas érotisée. C’est impossible d’imaginer des rapports où il n’y aurait jamais des rapports de pouvoir. Je pense que dans l’amitié, dans l’amour, dans la sociabilité humaine en général, il y a des rapports de pouvoir. Le problème, c’est que ces rapports de pouvoirs sont figés dans une certaine structure. L’égalité, ce serait de pouvoir être soumise, de pouvoir ne pas être soumise, et que ce soit fluide.