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Quand l'addiction aux écrans retarde les enfants dans leur apprentissage
“Un problème de santé publique important”
“Il regardait les écrans depuis l'âge de 6-9 mois, à peu près, à raison de 7 heures par jour. On va voir si le sevrage a été efficace”. Des enfants comme ce jeune patient, le docteur Sylvie Dieu Osika, pédiatre à l'hôpital Jean Verdier de Bondy et membre du collectif surexposition écrans CoSE, en reçoit de plus en plus. Ici, elle aide les parents à sevrer leur enfant, exposé très tôt aux écrans. “J’ai vu des enfants comme votre petit garçon quand on faisait un sevrage total, et c'est difficile. Moi, je suis maman de 5 enfants, donc je sais bien de quoi je parle, c'est difficile. Quand on fait un sevrage total, les enfants recommencent à parler beaucoup mieux”, explique la pédiatre à une maman, venue la consulter.
C’est en 2017 que le docteur Sylvie Dieu Osika commence à s’informer sur le cas des écrans chez les jeunes enfants. “J'ai observé que les enfants passaient des heures devant les écrans. Quand il y avait des retards de langage, je devais me poser la question de la place de l'écran, et très souvent, effectivement, l'enfant, depuis l'âge de 3, 6, 9 mois regardait beaucoup trop les écrans et, par conséquent, ne rentrait pas dans le langage”. Pour elle, cette tendance est devenue un problème de santé publique important avec des enfants qui ne “vont pas bien et qui se retrouvent collés à l’écran”. Si aux États-Unis, l’exposition n’est pas recommandée avant deux ans et en France, trois ans, la pédiatre, elle, préconise de ne pas donner l'accès aux écrans tant que l’enfant ne sait pas parler.
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Les écrans : une notion de pédagogie pour les parents
Dans l’utilisation de ces écrans, la pédiatre relève que pour beaucoup de parents, ces technologies semblent pédagogiques pour eux et donc bénéfiques pour leur enfant. “On voit toutes les semaines des enfants qui vont très, très mal et on est en train de créer un handicap qui aurait pu être évité. Les parents ont l'impression que l'enfant apprend quand même quelque chose puisque qu'il fait l'alphabet. On prend les choses à l'envers. C'est ce que j'explique dans les fondations d'une maison, d'abord, on apprend à parler, puis on met l'alphabet tout en haut, sur le toit. Là, on est en train de faire qui sont à l'envers”.
Finalement, les écrans créent plutôt une dépendance et une addiction chez les jeunes enfants, qui se traduisent en colère incontrôlable. “Pourquoi addiction ? Parce qu'ils ne pensent qu'à ça, qu'ils en redemandent plus, parce que la seule chose qui leur fait plaisir, parce que quand on leur enlève, ça entraîne des situations de stress, de colère, de frustration, à tel point qu'on leur re-redonne. Donc, tous ces processus-là, c'est les processus de l'addiction”. Selon le docteur Sylvie Dieu Osika, l’addiction prend 6 à 12 mois avant que l’enfant s’adapte, une période largement dépassée pour ces enfants qui sont déjà exposés aux écrans depuis plus d’un an voire de deux ans.
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“La société n’aide pas les parents seuls”
Autre point soulevé par la pédiatre, la facilité à mettre ses enfants devant un écran pendant que le parent fait des tâches ménagères, des courses. Lors d’une consultation, une mère seule avec ses trois enfants explique que l’écran est le seul moyen qu’elle a trouvé pour occuper son enfant, le temps de s’occuper des tâches quotidiennes de la maison. Pour le docteur Sylvie Dieu Osika, “la société n'aide pas assez ces parents seuls, essaie de faire beaucoup, mais pas suffisamment dans ça, parce que la prévention n'est pas bien faite et surtout, actuellement, on ne peut pas aider correctement les familles. Par exemple, pour des mamans qui ne travaillent pas, on leur dit ‘il y a pas de place en crèche' et donc la maman, si elle est en incapacité de garder son enfant autrement que l’écran, elle est seule”, explique le docteur Sylvie Dieu Osika.
Depuis 2018, il est recommandé dans le carnet de santé de ne pas exposer les enfants aux écrans avant l’âge de trois ans. Mais selon la pédiatre, seulement 10 % des parents appliquent cette recommandation. Pour les enfants addicts aux écrans, elle conseille des visionnages plus lents : “Il ne faut pas lui mettre pas ce qu'il aime quand vous craquez. Il faut lui mettre des choses qui vont doucement. T'choupi, Trotro, il ne va pas aimer, parce que ça va trop doucement par rapport à Pat'Patrouille par exemple où ça va trop vite et c’est fait exprès pour que son cerveau ne s'arrête pas de regarder. Les choses lentes, ça fait moins de mal”. Elle explique aussi que dès la grossesse, il faut se poser la question : “Qu'est-ce qu'on va faire avec notre téléphone quand le bébé sera là ?”.