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L'hôpital public français : avant le Covid, pendant… et demain ?
« Pourvu qu'après la crise du Covid-19, on garde des moyens », par la Dre Agnès Harteman
La cheffe du service diabétologie à la Pitié-Salpêtrière Agnès Harteman craint qu’à la fin de l’épidémie, l’hôpital public perde les moyens qu’on lui a alloués.
« En janvier dernier, j’étais, comme beaucoup de collègues, épuisée. L’impression d’être tout le temps en combat pour me faire comprendre par la direction », se souvient la Dre Agnès Harteman, cheffe du service diabétologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Pour Brut, elle livre ses craintes de voir les moyens alloués à l’hôpital public retirés à la fin de l’épidémie de Covid-19.
« On a l’impression qu’on a eu, d’un seul coup, presque trop de choses »
Pendant la crise du Covid-19, on a été compris. Même par nos directions locales. La direction de cet hôpital était avec nous main dans la main. Donc on voit qu’ils peuvent l’être. Pour les patients avec le Covid-19, on a eu tellement de moyens. On a eu tout ce qu’on voulait. Les infirmières me disent : « Mais ça fait peur, on a l’impression qu’on a eu, quelque part, d’un seul coup, presque trop de choses. »
On est en train de se poser une nouvelle question éthique : « Pourquoi on a eu tout ça pour des patients malades du Covid-19 ? » Tant mieux pour eux. On a pu faire tout ce qu’on pouvait pour eux, vraiment. Mais on a une crainte, c’est que tout ça s’arrête.
« On va revenir à ces patients qui attendent des plombes sur les lits aux urgences »
Si on revient à un flux tendu encore pire qu’avant, les autres crises – grippe, bronchiolites de l’hiver – on pourra encore moins les encaisser. Puis on va revenir à ces patients qui attendent des plombes sur les lits aux urgences.
On n’a pas assez d’ambulances pour les transporter dans les services. Là, on avait tout ce qu’il fallait comme ambulances. Ils vont recommencer à attendre des heures avant d’arriver dans les services. On a très peur que l’hôpital public tombe dans l’oubli et que le retour de balancier soit terrible.
« Il faudrait que la direction administrative vienne sur le terrain avec nous »
Idéalement, il faudrait continuer le dialogue avec la direction administrative. C’est eux qui tiennent les cordons de la bourse. Il faudrait qu’ils viennent sur le terrain avec nous, qu’on évalue ensemble quels types de patients ont besoin de combien d’infirmières, d’aides-soignantes, d’agents, de secrétaires…
Il faudrait qu’on continue à être dans ce dialogue et ce respect mutuel autour de la qualité. Jusque-là, les premiers ordres du jour, c’était : quantité de séjours, recettes, dépenses. Toujours. De la gestion, des finances.
Ça, ce serait un nouvel hôpital. Et dans ce qu’on appellerait cette nouvelle gouvernance, où la gestion serait au service du soin et non le contraire, il faudrait des médecins, aussi des représentants du personnel. Parce que les grands absents de ces réunions, c’est les gens du personnel qui ont quand même leur mot à dire sur leurs conditions de travail. Et puis des usagers, qui ne sont pas associés à ce genre de discussions et de choix.