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Pénurie de médicaments : à quoi c'est dû ?
La France manque vraiment de médicaments ?
Selon Jérôme Martin, co-fondateur de l'Observatoire Transparence Médicaments, entre 2017 et le début du premier mandat d'Emmanuel Macron et aujourd'hui, les signalements pour pénurie de médicaments ont sextuplé. La pandémie de Covid a été un révélateur et un amplificateur des pénuries de médicaments, mais ce n'est pas une cause structurelle. Elles sont plutôt à chercher dans un phénomène de délocalisation massive de la production, notamment de la matière première, et dans l'inscription quasi totale des médicaments dans des logiques d'offre et de la demande et de profit, et non pas dans des logiques de planification sanitaire et de santé publique.
Comment on produit un médicament ?
La production du médicament se déroule en trois étapes. L'étape décisive est la production de principes actifs ou de matières premières. Par la suite, on retrouve le façonnage et, après, le conditionnement. “Depuis des décennies, la production de médicaments, et notamment la production de la matière première, a été délocalisée pour des raisons de profits.On se retrouve donc dans une situation où 80 % de la matière première des médicaments que nous consommons est produite en Chine ou en Inde”, explique Jérôme Martin.
Le parcours d'un médicament avant sa commercialisation
Aujourd’hui, en France, la part des médicaments produits sur le territoire ne dépasse pas un tiers de notre consommation. À ce sujet, Sonia de la Provôté, Sénatrice et présidente de la commission d'enquête sur les pénuries de médicaments, explique que le “premier producteur européen de médicaments, la France, est tombé à la cinquième place actuellement.”
Une pénurie à cause du Covid-19 ?
Au moment du Covid et des mesures barrières, les producteurs d'antibiotiques comme l'amoxicilline voient la demande mondiale baisser, puisque les gestes barrières sont aussi efficaces contre la circulation des bactéries. Jérôme Martin indique donc que “plutôt que d'investir dans des lignes de production où ils ne vont pas vendre à court terme, ils décident de ralentir, voire de stopper, la production d'un antibiotique comme l'amoxicilline. Le souci, c'est quand on lève les gestes barrières et le confinement : la production ne redémarre pas suffisamment vite. On voit bien ici que ce sont des logiques industrielles très court-termistes d'offre et de la demande qui ont dicté la disponibilité d'un médicament, et non pas une logique d'anticipation des besoins en santé”.
Quels sont les médicaments les plus concernés ?
Toutes les classes thérapeutiques sont touchées mais certaines le sont plus que d'autres. Par exemple, les médicaments pédiatriques sont souvent plus impactés, parce qu'ils sont plus compliqués à produire. “Il y a une étape supplémentaire au moment de la fabrication, donc ça les vulnérabilise un peu plus. Nous avons passé le printemps avec un gros problème de disponibilité de pilules abortives qui ont, localement et à certains moments, remis en cause l'IVG médicamenteuse. Quand on parle de ces problèmes, il faut bien se rendre compte : c'est un problème pour les santés individuelles”.
D’où viennent les pénuries alimentaires ?
Les pénuries de traitements anticancéreux sont des classes thérapeutiques qui sont également particulièrement touchées, ont un impact très clair sur les chances de guérison et de survie des malades.”Ça peut être aussi un impact sur la santé publique. S'il vous manque des réactifs pour le dépistage des maladies sexuellement transmissibles, ça signifie que vous garantissez moins un dépistage de ces maladies, et donc elles circulent plus facilement”.
Pour Sonia de la Provôté, “Il y a là un dysfonctionnement réel, profond et grave de l'approvisionnement de nos systèmes sanitaires. Cela signifie que l'accès aux soins n'est plus aujourd'hui une évidence pour les patientes et les patients français, en fonction des circonstances et des situations concernant la disponibilité du médicament.
La pénurie de médicaments : un phénomène mondial ?
Ces pénuries sont un phénomène mondial, et non pas uniquement français ou européen. La population au niveau mondial vieillit et nous avons, par conséquent, besoin de plus de médicaments. “Les pays pauvres ou les pays émergents, qui représentent des centaines de millions, voire des milliards de personnes, ces pays structurent leur système de santé et sont donc de plus en plus en mesure d'acheter des médicaments pour soigner leur population. On a l'émergence de nouvelles pandémies et de problèmes liés à la santé environnementale et à la crise climatique, qui font que, au niveau mondial, il y a des besoins. C'est pour ça que parler de relocalisation peut être en partie trompeur : il ne s'agit pas d'aller prendre une usine en Chine ou en Inde pour les remettre en France. Il faut de nouvelles productions, on a besoin de plus produire. Il est indispensable de garantir une production publique, locale, coordonnée à un niveau européen. Le médicament ne peut pas être un produit de consommation comme les autres. On doit absolument trouver toutes les formes possibles pour garantir une production qui sortent des logiques de marché.”, confie Jérôme Martin.