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Une cohabitation politique, c'est quoi ?

"On n'en a pas gardé de mauvais souvenirs, mais on a quand même essayé que ça ne se repasse plus." Des cohabitations, on en a déjà connu trois sous la Ve République. Un président de la République et un Premier ministre de deux partis politiques différentes, concrètement qu'est-ce que ça change dans la vie politique et dans le quotidien des français ? Et s'ils ne tombent pas d'accord, que se passe-t-il ? On a posé ces questions à Anne-Charlène Bezzina.
Publié le
01
/
07
/
2024

Des cohabitations, on en a déjà connu trois sous la Ve République. Un président de la République et un Premier ministre de deux partis politiques différents, concrètement qu'est-ce que ça change dans la vie politique et dans le quotidien des Français ? Et s'ils ne tombent pas d'accord, que se passe-t-il ? On a posé ces questions à Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public.

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Qu'est-ce qu'une cohabitation politique ?


Anne-Charlène Bezzina explique : "La cohabitation, c'est le fait pour les deux plus hautes autorités de notre État, les deux têtes de l'exécutif, président de la République et Premier ministre, de ne pas être de la même couleur politique, parce que le Premier ministre dépend d'une majorité à l'Assemblée nationale qui n'a pas été, pendant les élections législatives, de la même couleur que le Président de la République."


La Constitution de 1958 de la Ve République est une Constitution “très exécutive, voire présidentielle, qui ménage une belle place au président. Le président est plutôt conçu comme ayant sa majorité à l'Assemblée nationale et le Premier ministre le suit assez naturellement. Cependant, la Constitution ne prévoit pas de couloirs très fixes pour le Président, le Premier ministre et le gouvernement. Chacun a ses attributions, le président avec les articles 5 et 19 sur les affaires étrangères et la défense, le Premier ministre et son gouvernement avec les articles 20 et 21 pour diriger l'action de l'administration. L'idée est de les faire travailler ensemble.”


L'impact d'une cohabitation sur la vie politique et quotidienne


Lors d'une cohabitation, “le Premier ministre va beaucoup plus diriger les affaires courantes et être à la manœuvre car il est sûr d'être suivi par sa majorité, tandis que le président est très affaibli. Cela impacte les textes qui vont être votés ou pas à l'Assemblée nationale”.


"Alors la cohabitation, ça a un impact politique sur l'Assemblée nationale et sur les volontés du président. Ce n'est plus le programme politique du président qui est mis en œuvre au sein de l'Assemblée nationale. Donc ce n'est plus son programme budgétaire, ce n'est plus son programme de défense", précise Anne-Charlène Bezzina.


Dans le quotidien des citoyens, il faut prendre en compte que c’est le premier ministre qui va pouvoir plus facilement imposer ses vues. Mais le président a une capacité d'inertie. “Cela offre finalement deux têtes de l'exécutif qui auront cette faculté à peut-être s'empêcher, au moins dans les premiers moments où ils vont essayer d'être assez durs dans leurs positions, et après peut-être collaborer ensemble”.


Les trois cohabitations sous la Ve République


On a connu trois cohabitations sous la Ve République, qui n'ont pas eu la même signification pour les présidents et Premiers ministres : “en 1986, François Mitterrand perd les élections et nomme Jacques Chirac Premier ministre. C'était la cohabitation la plus frontale au départ, une situation inédite. Mitterrand a défini ses attributions avec la phrase "Rien que la Constitution, toute la Constitution"”. La seconde cohabitation a eu lieu en 1993 : “Toujours avec François Mitterrand comme président et Édouard Balladur comme Premier ministre. On la qualifie souvent de "cohabitation de velours" car elle se serait plutôt bien passée”.


En 1997 et 2002, Jacques Chirac vit la cohabitation comme président après une dissolution ratée, avec Lionel Jospin comme Premier ministre. “Ces cohabitations ont donné le sentiment aux Français d'une vie politique plutôt consensuelle, les deux têtes étant amenées à cohabiter et trouver des voies de compromis. On n'en a pas gardé un trop grand stigmate, même si la Constitution a été modifiée en 2000 pour raccourcir le mandat présidentiel à 5 ans et inverser le calendrier électoral afin d'essayer d'éviter de nouvelles cohabitations”.


Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public, conclut : “En cas de désaccord profond entre président et Premier ministre, la Constitution ne prévoit pas de recours particulier car c'est le peuple qui décide au début, au milieu et à la fin. Il ne peut y avoir de nouvelles élections législatives avant un an minimum après une dissolution. La démission du président n'est pas prévue par les textes, c'est un acte moral et personnel. Les institutions sont donc obligées de s'entendre, sinon c'est la France qui en pâtira”.