A Paris, les piscines sous surveillance après des témoignages de voyeurisme

Crédit : Pixabay
Un message posté sur les réseaux par une journaliste racontant comment elle a été filmée dans les vestiaires d'une piscine parisienne a déclenché une avalanche de témoignages similaires, conduisant la mairie de Paris à lancer une "inspection" de ses installations.
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La journaliste indépendante Laurène Daycard décrit sur son compte Instagram, le 2 avril, comment elle a surpris un homme en train de la filmer à son insu la veille pendant qu'elle se changeait dans une cabine de la piscine Georges Hermant dans le nord-est de Paris.

"Alors que je me rhabillais, j'ai aperçu un sac à dos qui dépassait de la cabine voisine. J'ai repéré un petit trou derrière lequel se trouvait la lentille d'une smartphone", raconte la femme de 35 ans à l'AFP. Avec l'aide du personnel de la piscine, l'homme est arrêté et placé en garde à vue, decrit-elle. Elle a porté plainte. 

En faisant des recherches sur internet, elle découvre des faits divers similaires partout en France.

Dans le sillage de son message, vu 217.000 fois, elle reçoit "plusieurs dizaines de témoignages" évoquant des agressions similaires dans des piscines de la capitale, et d'autres villes, et "des centaines de messages de soutien". 

En avril 2024, dans une piscine parisienne, Théa Fourdrinier découvre dans la cabine voisine un homme qui l'"espionne en se masturbant". Retenu pendant 45 minutes, l'agresseur finit par s'enfuir en bousculant les agents municipaux, relate la jeune femme sur Instagram, estimant que "Paris ne [l]'a pas protégée".

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Phénomène "banalisé"


Clara, éditrice, se déshabillait quand elle aperçoit un smartphone glissé sous la paroi de la cabine d'une piscine à Belleville, à Paris. 

"Un agent d'accueil m'a dit croire l'homme qui affirmait qu'il n'avait rien fait et l'a laissé partir. Quand j'ai déposé plainte, la police m'a laissé penser que ce n'était pas grand chose. En mars j'ai appris que ma plainte était classée", indique-t-elle à l'AFP.

Selon les témoignages reçus par Laurène Daycard, certaines femmes ont été sidérées et n'ont pas pu poursuivre l'agresseur. D'autres ont signalé les faits au personnel des piscines et à la police, qui ont banalisé, disant que ça arrivait souvent. Dans d'autres cas, les agents se sont mobilisés et ont appelé la police. 

"La diversité des réactions dénote un manque de formation pour savoir comment réagir à ces situations", commente la journaliste, spécialisée dans les violences sexuelles et autrice de "Nos absentes: à l'origine des féminicides".

Ce voyeurisme "semble fréquent, mais banalisé, invisibilisé, comme le sont souvent les violences sexistes et sexuelles, souvent confinées aux rubriques faits divers alors qu'il s'agit de faits de société", commente-t-elle.

"Que deviennent ces vidéos?" s'interroge-t-elle, pointant le risque qu'elles soient partagées sur internet.

C'est en l'arrêtant parce qu'il filmait sous les jupes de clientes de supermarché que des policiers avaient découvert dans l'ordinateur de Dominique Pélicot les centaines de vidéos et photos documentant les viols qu'il avait orchestrés sur sa femme Gisèle.

"Hypervigilante"


Suite aux témoignages reçus, la mairie de Paris a annoncé ce week-end dans un communiqué le lancement d'un "audit" dans "l'ensemble des piscines municipales pour identifier les faiblesses structurelles et renforcer la prévention". 

Les vestiaires feront l'objet d'une "inspection systématique" chaque soir "pour détecter d'éventuels aménagements ou trous pouvant favoriser des actes de voyeurisme." La mairie annonce aussi un "renforcement de la formation des agents à la surveillance, prévention et à l'accueil de la parole des victimes". 

Clara confie être désormais "hypervigilante dans les vestiaires" qui sont "devenus mixtes dans la plupart des piscines parisiennes". 

"Celles qui gardent des vestiaires hommes-femmes séparés sont un havre de paix, il n'y a pas d'inquiétude", confie cette nageuse passionnée qui compare les piscines sur son compte instagram @nageuseparisienne

"S'il faut en arriver à mettre en place des espaces non-mixtes dans les vestiaires pour que ca n'arrive plus, alors faisons-le", avance Valérie, rencontrée lundi dans une piscine du 4e arrondissement, accompagnée de sa fillette. "Ça me fait surtout peur pour les enfants qui viennent". 

De source judiciaire, le prévenu soupçonné d'avoir filmé Laurène Daycard doit être jugé en comparution immédiate le 13 juin après un premier renvoi de son dossier. Il encourt deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

Au total 243 personnes ont été condamnées en 2023 pour voyeurisme, contre 131 en 2019, un an après la création du délit de voyeurisme, soit une hausse de 85%, a indiqué la Chancellerie à l'AFP.

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