Le mariage de Rajab Butt fin décembre, poids lourd des réseaux sociaux dans son pays de 240 millions d'habitants, aurait pu rester cantonné à la rubrique mondaine des magazines people.
Mais la soirée, une débauche de moyens durant laquelle des milliers d'invités ont tenté de rivaliser d'imagination pour impressionner avec des cadeaux extravagants, a basculé.
L'un d'eux a présenté un lionceau au pelage mousseux, assoupi derrière les barreaux dorés d'une cage -déclenchant une nuée de flashs et autant d'images partagées en ligne. M. Butt lui-même y est allé de sa vidéo intitulée "Pluie de cadeaux", visionnée près de 10 millions de fois.
Le lendemain matin, la police débarquait et emmenait au poste le marié et son lionceau de deux mois -à la demande du département pour la nature et les animaux sauvages du Pendjab, frontalier de l'Inde.
"On a découvert le lionceau qui tournait en rond dans le garage, il n'était pas bien parce qu'il y faisait très froid", raconte à l'AFP l'un de ses cadres, Faiçal Mouchtaq.
La réalité derrière les selfies avec les animaux sauvages
"Mauvais exemple"
Le Youtubeur, lui, a accepté de plaider coupable de possession d'un animal sauvage sans autorisation. Ce à quoi, le juge Hamid Ul Rahman Nasir a répondu vendredi avec une peine taillée sur mesure.
Rajab Butt devra publier chaque mois pendant un an une vidéo d'au moins cinq minutes consacrée aux droits des animaux. Et, devant la cour, il a accepté sa sentence de bonne grâce, admettant avoir été "un mauvais exemple".
"D'un point de vue moral, comme légal, c'est horrible d'arracher un lionceau à sa mère", dénonce Tanvir Janjua, lui aussi du département pour la nature.
Le lionceau, probablement vendu aux alentours de 2.500 euros selon ce fonctionnaire, "n'était pas sevré quand ils ont été séparés".
Le jeune lion -qui attend toujours qu'on lui donne un nom- n'est pas le seul félin a avoir défrayé la chronique ces dernières semaines.
Peu après le mariage de M. Butt, un lion échappé de sa cage avait provoqué la terreur dans un quartier de Lahore, poussant les habitants à se réfugier sur les toits, avant d'être abattu par un garde de sécurité.
Pour tenter d'endiguer la vague, le Pendjab espère adopter bientôt une nouvelle loi pour imposer aux propriétaires de félin un permis, de pouvoir justifier d'au moins quatre hectares de terrain approuvés par le département des animaux sauvages et interdire d'amener des félins dans les quartiers résidentiels.
M. Janjua a lui-même confisqué des centaines d'animaux sauvages chez des particuliers ou des braconniers en 33 ans de carrière. Il s'agissait pour beaucoup de félins auxquels griffes et crocs avaient été arrachés.
Deux lionceaux sauvés en Chine
Des lions en meeting politique
"Les gens les utilisent pour leur image de marque", se lamente celui qui est également vice-directeur du parc à safari proche de Lahore où le lionceau se remet des émotions du mariage.
"Ils font comme si c'était des chiens, ils se baladent en voiture avec eux, ils les emmènent à des meetings politiques", accuse-t-il encore.
A tel point que l'an dernier, le parti au pouvoir -dont l'emblème est justement... un lion- avait interdit à ses partisans de ramener des félins à leurs rassemblements.
Un lion ou un tigre "ne seront jamais des animaux de compagnie: ils peuvent se tenir tranquilles deux ou trois mois, mais ils deviendront vite agressifs", assure M. Janjua.
Et au-delà du danger pour le propriétaire, il faut changer les mentalités, plaide l'homme qui à l'approche de sa retraite assure avoir vu le phénomène des félins en laisse grossir.
"Ces YouTubeurs qui utilisent des animaux pour faire du clic, quel genre de message envoient-ils sur la cruauté envers les animaux ?", s'interroge-t-il.
En face, les responsables de la nature et des animaux sauvages se sont organisés.
"Maintenant, on a des uniformes, des armes et bientôt on aura nos tribunaux", se félicite M. Janjua.
Avec M. Butt en "exemple", déjà, "les tribunaux en place sont déjà plus stricts envers la cruauté contre les animaux".