Le 2 février 1945, Colmar est libérée, plus de deux mois après Strasbourg, pourtant distante d'à peine 70 kilomètres. Les Allemands ont eu le temps de se retrancher autour du chef-lieu du Haut-Rhin et il faut attendre le 20 janvier 1945 pour qu'Américains et Français repassent à l'offensive, cinq mois après la libération de Paris.
Quatre-vingts ans plus tard, Emmanuel Macron se rend à Colmar dimanche pour commémorer un combat un peu oublié.
Un des combats les plus violents sur le sol français
"Les combats de la poche de Colmar, avec ceux de Normandie, ont pourtant été considérés comme les plus violents sur le territoire national", rappelle Francis Lichtlé, historien et ancien archiviste pour la préfecture haut-rhinoise.
La poche, qui s'étend, selon la période, sur près de 65 kilomètres de long et 50 kilomètres de large, parallèlement au Rhin, a été le théâtre de lourdes pertes.
Le nombre de morts diverge selon les historiens. Un musée mémorial à Turckheim comptabilise 6.000 à 8.000 tués et 20.000 blessés côté français, avec des chiffres similaires pour les Américains. Environ 15.000 Allemands seraient morts.
Pour les Français comme pour les Allemands, l'enjeu est de taille.
"L'Alsace n'est pas un territoire occupé, mais annexé de fait, ce n'est pas pareil. Les Allemands veulent protéger ce qu'ils considèrent comme leur appartenant", explique l'historien Geoffrey Koenig, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
Pour coordonner la défense en Alsace, Hitler désigne le chef de la SS en personne: le redoutable Heinrich Himmler. La France, quant à elle, veut en finir avec le dernier grand bastion allemand sur son territoire.
Hiver "sibérien"
Dans ses mémoires, le général Jean De Lattre De Tassigny, qui commande la 1ère armée française, écrit que ses soldats font face à un hiver "sibérien".
"En mi-janvier 1945, il fait -15°C en plaine et -20°C en montagne. Tout se passe aussi dans (le massif des) Vosges", ajoute Geoffrey Koenig.
"Les conditions sont difficiles: 8.000 combattants sont hospitalisés pour des gelures et accidents liés au froid", développe Francis Lichtlé. "Il ne faut pas oublier aussi que la 1ère armée française est avant tout une armée coloniale, avec des régiments d'Afrique du Nord, des tirailleurs sénégalais et des goumiers marocains."
Les combats durent jusqu'au 9 février, lorsque les derniers Allemands repassent le Rhin, avant de dynamiter les ponts.
La libération est synonyme de fête, mais celle de la poche de Colmar est plus terne pour Christophe Woehrlé, historien spécialiste de la captivité dans les conflits contemporains: "Les combats ont été si violents que tout était détruit. Il n'y avait quasiment plus rien".
De l'Alsace au western
A la fin des combats, des milliers d'hectares de champs, forêts, vignes sont ravagés et plus de 50.000 bâtiments endommagés ou détruits à Colmar et dans les villages de la région, selon le musée de Turckheim.
"Quand on parle de la Libération, on ne voit que les héros. Ceux que l'on oublie, ce sont les populations civiles. Elles sont détruites elles aussi, moralement, physiquement. Elles ont subi des privations pendant des mois", rappelle M. Woehrlé.
La plupart des Alsaciens en âge de combattre, les "Malgré-nous", ont été incorporés de force par l'armée allemande. "Vous êtes une mère alsacienne. Votre fils est, par contrainte, sous uniforme allemand. Colmar est libérée. Elle comprend très bien ce que l'on fait aux soldats allemands. Je crois qu'elle n'avait pas envie de fêter quoi que ce soit", résume l'historien.
Une personnalité se fait un nom dans la poche de Colmar: Audie Murphy, tout jeune lieutenant américain. A 19 ans, il repousse à lui seul une troupe de 200 hommes et six blindés. Il devient l'un des GI's les plus décorés du conflit.
"Sa grande particularité, c'est qu'il est devenu acteur de cinéma, de westerns, après la guerre et il a énormément œuvré pour la reconnaissance du syndrome post-traumatique, dont il a souffert", rappelle Geoffrey Koenig.
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