Ce projet d'économies "est un leurre, coûteux et dangereux"
Pour tenter de réduire le déficit croissant de la Sécu, l'exécutif prévoit d'abaisser le taux de remboursement par l'Assurance maladie des consultations des médecins et sages-femmes de 70% à 60%. Il reviendrait aux complémentaires santé - ou au patient lui-même, s'il n'en a pas - de prendre en charge la différence.
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Mais ce projet d'économies "est un leurre, coûteux et dangereux", a rapidement dénoncé le premier syndicat des médecins généralistes, MG France.
Les complémentaires santé répercuteront la nouvelle dépense mise à leur charge sur les cotisations des assurés, menant au "glissement accéléré d'un système solidaire (celui de la Sécu) à un système où la couverture est fonction de la cotisation", fustige le syndicat.
Les Français payeront plus cher, "sans amélioration du contrat", s'insurge aussi le syndicat de médecins UFML-S, rappelant en outre que les 2,5 millions de Français sans complémentaire santé seront "durement impactés", contraints de payer de leur poche.
"La médecine, ça n'a rien à voir avec l'argent"
De fait, les premières estimations réalisées par les experts du monde de l'assurance montrent que le projet du gouvernement devrait provoquer une hausse des cotisations autour de 2% à 3%, selon les hypothèses retenues.
"Aucun effet redistributif"
"Un transfert de l'ordre d'un milliard vers les complémentaires santé entrainerait une augmentation moyenne de 2,8% des prestations versées par celles-ci et donc une augmentation similaire des cotisations", selon le cabinet spécialisé Addactis.
"Mais cette évaluation est une moyenne : elle masque des augmentations plus fortes sur les contrats +entrée de gamme+", pour lesquels la part non remboursée par la Sécurité sociale pèse plus, "ou sur les populations seniors, pour lesquelles les fréquences de consultations médicales sont les plus élevées", avertit-il.
Même diagnostic pour Cyrille Chartier-Kastler, autre expert assurantiel, qui évoque un "impact" de "plus ou moins 2,8%" pour les dépenses des complémentaires, qui devra se retrouver dans les cotisations.
La hausse des cotisations sera d'autant plus durement ressentie que les complémentaires santé ont déjà pratiqué des hausses particulièrement fortes en 2024 (+8,1% en moyenne), épinglées par un récent rapport sénatorial.
"Pour obtenir un affichage de baisse des dépenses publiques, on fait le choix d'augmenter les dépenses privées contraintes" (comme les cotisations aux complémentaires), qui sont "plus inégalitaires" et "moins efficaces", juge l'économiste Nicolas Da Silva, enseignant-chercheur à l'université Paris 13. Il pointe "les frais de gestion des complémentaires, en moyenne de 19-20% contre 4% pour la Sécu".
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Contrairement à cette dernière, dont les cotisations augmentent en fonction du niveau de revenus, l'assurance complémentaire privée "n'a pratiquement aucun effet redistributif", observent les services statistiques des ministères sociaux (Drees) dans un récent rapport.
Des cotisations qui varient de 33 à 146 euros par mois
Ainsi, les primes versées aux complémentaires et restes à charge après remboursement pèsent à hauteur de 6% du revenu des ménages les plus pauvres (ayant un niveau de vie niveau de vie inférieur à 11.190 euros par an), contre 3% pour les plus aisés, "en dépit des dispositifs d'aide ciblant les publics précaires", comme la complémentaire santé solidaire (C2S), note la Drees.
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Les complémentaires fixent essentiellement leurs tarifs en fonction de l'âge et du niveau de couverture, les prix étant plus élevés pour les contrats individuels que collectifs (contrats d'entreprise).
Pour un contrat individuel, la cotisation mensuelle varie de 33 euros en moyenne à 20 ans contre 146 euros à 85 ans, pour un assuré "de référence", avec des niveaux de couverture variables, selon la même source.
Avec une telle politique, le principe fondateur de la Sécu, "+chacun contribue selon ses moyens, reçoit selon ses besoins+, tend à s'effriter", avec un ciblage de plus en plus précis des personnes entièrement remboursées (malades chroniques, bénéficiaires de la C2S...), estime Nicolas Da Silva.
L'économiste pointe un risque de "délitement du pacte social" : "une politique dont le nombre de bénéficiaires et la qualité baissent" pourrait bénéficier "de moins de soutien" de la population.