Ce nouveau règlement pour protéger les forêts devait interdire à partir de fin 2024 la commercialisation dans l'UE d'une série de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc, cuir, ameublement, papier...) s'ils proviennent de terres déboisées après décembre 2020.
Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d'approvisionnement, devaient prouver la traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.
Mais des "partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes" sur la mise en œuvre de cette loi, a souligné la Commission européenne dans un communiqué.
Dans ces conditions, l'exécutif européen estime qu'un "délai supplémentaire de 12 mois pour la mise en place progressive du système constitue une solution équilibrée".
Ce report devra encore être entériné par les États membres et le Parlement européen.
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"Barrière commerciale"
Âprement débattue en Europe, finalisée dans la douleur fin 2022 et promulguée en 2023, cette nouvelle règlementation contre la déforestation suscite une levée de boucliers des milieux d'affaires de l'agrobusiness et de nombreux États africains, asiatiques et sud-américains, inquiets des coûts supplémentaires engendrés pour les agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers.
En 2023, la Malaisie avait fustigé une "barrière commerciale restreignant l'accès libre et non discriminatoire au marché" et réclamé un report, comme l'Indonésie.
Les États-Unis avaient embrayé en juin dernier, puis le gouvernement brésilien a pris la plume mi-septembre pour protester contre un "instrument unilatéral et punitif", considéré comme une menace pour ses exportations, juste avant que l'Allemagne fasse monter la pression au sein même de l'Union européenne en demandant un délai supplémentaire pour laisser aux entreprises le "temps de se préparer".
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Détricotage
Ce report survient en pleines négociations pour un accord de libre-échange entre l'UE et les pays sud-américains du Mercosur. La loi anti-déforestation est un obstacle majeur à ce projet défendu par l'industrie allemande.
Au Parlement européen, les conservateurs du PPE avaient réclamé son report, brocardant un "monstre bureaucratique".
Cette nouvelle législation est pourtant jugée cruciale par les organisations environnementales qui espèrent une première mondiale susceptible d'entraîner d'autres régions du monde.
Le délai supplémentaire d'un an vient donner du grain à moudre aux ONG, qui redoutent que la pression de la droite et de l'extrême droite, renforcée lors des élections de juin, mène à un détricotage des règles vertes adoptées lors du précédent mandat.
Reporter cette loi, c'est "comme jeter un extincteur par la fenêtre" alors que le "bâtiment est en feu. C'est un acte de vandalisme contre la nature", a fustigé l'ONG Mighty Earth.
Le règlement est "attaqué de toutes parts" alors qu'il y a "alerte rouge sur la déforestation", a dénoncé l'eurodéputée écologiste française Marie Toussaint.
À l'origine de 16 % de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme, chiffres de 2017), l'UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon WWF.
Les Européens importent chaque année du Brésil 15 milliards d'euros de matières premières agricoles, notamment de soja, responsables de la déforestation.
Sous la pression des États-Unis, du Brésil et même de l'Allemagne, la Commission européenne a proposé mercredi de reporter d'un an, à fin 2025, l'entrée en vigueur de sa loi anti-déforestation, malgré les protestations des écologistes.
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