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Derrière les rockeuses identitaires, une secte ? Le parquet requiert le non-lieu

Le parquet de Tarbes a requis début novembre un non-lieu dans l'enquête sur les soupçons de dérive sectaire dénoncées par d'anciens membres d'un groupe identitaire et complotiste installé dans le Sud et formé autour de la figure charismatique de Joël LaBruyère, a appris l'AFP vendredi de source proche du dossier.
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Ce groupe s'était fait connaître par ses "Brigandes", populaires à l'extrême droite mi-2010, et notamment auprès de Jean-Marie Le Pen : ces jeunes femmes chantaient des paroles ultra-réactionnaires composées par Joël Labruyère, et cumulaient les vues sur YouTube.

Mais en parallèle, cinq anciens membres (des femmes et des hommes) ont déposé plainte en 2015 contre M. LaBruyère après leur départ houleux du groupe, notamment pour abus de faiblesse, travail dissimulé, menaces de mort ou violences.

Selon des éléments de l'enquête obtenus vendredi par l'AFP, ils assuraient avoir vécu, parfois de longue date, dans "La nation libre", une communauté close, totalitaire, théocratique, antisociale, sous les ordres de Joël LaBruyère, figure de proue du mouvement sectaire français depuis les années 1990.

Plusieurs juges d'instruction de Tarbes se sont penchés successivement sur cette communauté, qui a fait l'objet en 2018 d'un signalement à la justice par la mission gouvernementale anti-sectes (Miviludes).

"Les éléments recueillis ne permettent pas de caractériser une situation de faiblesse particulière des plaignants"

Mais les investigations ont achoppé, malgré un rapport d'enquête d'août 2023 d'une cellule spécialisée de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) qui évoquait "l'emprise" potentielle exercée par Joël LaBruyère. 

Dans ses réquisitions, le parquet reconnaît qu'il est possible "d'envisager la réalité de la situation d'emprise dénoncée et le fonctionnement sectaire de (sa) communauté".

Mais "aucun des éléments recueillis ne permet concrètement de caractériser une situation de faiblesse particulière des plaignants". Le ministère public n'a pas établi de preuves de "pressions graves et réitérées" ou de violences.

Il demande donc le non-lieu, "compte tenu de l'ancienneté des faits, de la quasi-impossibilité" d'obtenir les "preuves manquantes" et du désistement des parties civiles qui se sont dites lasses de l'inaction de la justice et des menaces reçues.

Rodolphe Bosselut, avocat de l'Unadfi (association qui lutte contre les sectes), a évoqué un dossier "hélas typique de la sidération qui saisit parfois l'institution judiciaire face aux dérives sectaires". "J'ai l'impression que le barnum autour du groupe musical a agi comme le cache-misère de la réelle situation d'emprise au sein du groupe", a-t-il ajouté.

Il revient au juge d'instruction de mettre un point final à l'enquête ou de la relancer.

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