Passage en revue des principales propositions qui font débat.
Le nouveau régime carcéral d'isolement
Le gouvernement a introduit un amendement visant à créer dans les prisons des quartiers de haute sécurité pour les criminels les plus dangereux, assortis d'un régime prévoyant des fouilles intégrales après tout contact avec l'extérieur, ou encore un accès limité au téléphone. Des dispositions très strictes jugées liberticides par plusieurs acteurs du secteur.
Saisi pour avis, le Conseil d'Etat a suggéré quelques modifications, notamment sur la durée d'affectation dans les quartiers: le gouvernement s'est rangé à la recommandation de la réduire à deux ans renouvelables contre quatre ans initialement prévus.
"Tous les professionnels le disent, l'isolement rend les gens fous", déclare Romain Boulet, coprésident de l'Association des avocats pénalistes (Adap). "C'est de la torture blanche", abonde Dominique Simonnot, contrôleure générale des prisons. "Il va falloir faire très attention que ça ne viole pas nos règles internes et les règles pénitentiaires européennes", met-elle en garde.
Ce régime s'appliquera aussi bien aux personnes condamnées qu'à celles qui sont en détention provisoire, donc présumées innocentes.
La généralisation de la visioconférence
Le gouvernement veut généraliser l'usage de la visioconférence dans les informations judiciaires pour les interrogatoires et certaines audiences, afin d'éviter au maximum les extractions judiciaires et les risques d'évasion qui en découlent, comme cela a été le cas dans l'affaire Amra. Une mesure demandée instamment par les syndicats pénitentiaires, mais qui suscite des réticences chez les avocats mais aussi certains magistrats.
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"Si on a les moyens techniques de le faire, pourquoi pas?", déclare Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), tout en soulignant qu'actuellement, le système en vigueur en France n'était pas très performant.
Il convient que la visioconférence pourrait être utilisée contre l'avis du détenu pour les audiences concernant la détention provisoire, qui ne concernent pas le fond du dossier. En revanche, "faire des confrontations en visio, ça a très peu de sens", estime-t-il.
Egalement saisi sur cette question, le Conseil d'Etat juge "nécessaire que le juge ou le président de la juridiction saisie conserve toujours la possibilité de décider de la comparution physique de la personne détenue".
Le dossier-coffre
Le gouvernement veut créer un "procès-verbal distinct", surnommé "dossier-coffre", pour ne pas divulguer certaines informations sur la mise en oeuvre de techniques spéciales d'enquête, telles que la date, l'horaire ou le lieu de leur mise en oeuvre. Ceci dans le but de protéger les enquêteurs et informateurs et de ne pas obérer les futures enquêtes ayant recours à ces mêmes techniques.
Cette mesure, retoquée en commission mais qui sera reprise par le gouvernement, est dénoncée par les avocats comme une atteinte aux droits de la défense et du principe du contradictoire.
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Selon l'Association des avocats pénalistes, cette réforme est inutile "tant le dispositif légal en vigueur paraît suffisant": dans un argumentaire adressé aux députés, l'Adap souligne qu'à l'heure actuelle, "rien n'oblige les enquêteurs à divulguer les +caractéristiques de fonctionnement+ ou les +méthodes d'exécution+ des techniques spéciales d'enquête, pas davantage que +les informations permettant d'identifier une personne ayant concouru à ladite installation ou au retrait du dispositif technique+".
Un avis partagé par le Club des juristes, qui souligne dans un rapport le "caractère laconique des procès-verbaux actuels de mise en oeuvre des techniques". Il estime que ce dossier-coffre, au-delà de son "faible intérêt pratique (...) ajoute une procédure lourde et chronophage pour l'autorité judiciaire", car le code de procédure pénale prévoit qu'il fasse l'objet d'un triple contrôle de régularité.
Messageries chiffrées
Un article permettant d'imposer aux plateformes de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp...) de communiquer les correspondances des trafiquants aux services de renseignement revient dans les débats.
Cette mesure avait été supprimée par la commission des lois, plusieurs personnalités - dont la ministre chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz - s'y étant opposées.
L'Association française des correspondants à la protection des données à caractère personnel (AFCDP) alerte sur "une mesure qui compromet structurellement la sécurité des systèmes d'information", et "va à l'encontre des positions adoptées par les autorités européennes de protection des données".
Ce dispositif est "indispensable au travail" des enquêteurs, a insisté dimanche la Directrice générale de la sécurité intérieure, Céline Berthon, expliquant qu'il sera "encadré, limité dans le temps" et "contrôlé".