Maisons "isolées" autour des 1.300 euros/m2, lopins de terre cultivables, paysage bucolique et image "paisible", ce département de 415.000 habitants, longtemps prisé de Britanniques aisés, avait attiré 6.300 personnes en 2020 selon l'Insee.
Si certains apprentis maraîchers sont repartis après avoir "découvert que la terre était basse", tacle le commercial, le département du Sud-Ouest a perçu "des droits de mutation records" les années suivantes, et, chose rarissime, gagné légèrement en population depuis malgré un solde naturel négatif, indique-t-on au conseil départemental.
Pour Daniel Védrenne, maire de Champniers-et-Reilhac, dans le Périgord vert, l'arrivée d'une "vingtaine de familles" a "dynamisé" son bourg de 550 âmes, où l'on trouve un pub, un café-pâtisserie et une bibliothèque municipale.
"Chevreuils"
Après la fermeture de l'école publique, pour raisons démographiques comme dans de nombreux villages de la zone, l'édile a accueilli un établissement privé, à la pédagogie alternative hors contrat avec l'État, porté par des "néo" du territoire.
"Ça n'a pas forcément plu, mais aujourd'hui mon village revit", balaie le maire de 77 ans, remonté contre les "esprits fermés des jeunes du conseil municipal" pourtant "nés ici", comme lui.
Parfois surnommés "chevreuils" parce qu'ils "aiment bouffer des graines", les nouveaux venus qu'"on ne voit jamais" forment "comme une société parallèle" en "vase clos", jugent plusieurs habitants de longue date de Piégut-Pluviers, le petit pôle économique local (1.200 habitants).
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Leur "facilité à décrocher des subventions" ou leurs "cagnottes pour des chantiers participatifs", comme des "maisons en pneus", agacent également d'autres locaux, qui préfèrent rester anonymes.
Depuis quinze mois, une association propose ponctuellement un service de restauration, des ateliers de langues, des représentations théâtrales et concerts pour "casser l'entre-soi" et ouvrir "un accès à la culture", expliquent ses promoteurs.
Lors d'une soirée animée par deux DJ, des dizaines de trentenaires et quadragénaires en "rupture", la plupart Bac+5, passés d'informaticien à menuisier, d'enseignant à futur gérant de camping, de salariée de start-up à maraîchère, racontent à l'AFP avoir quitté Toulouse, Bordeaux ou Paris pour "l'un des seuls endroits où l'on peut être propriétaire" et mener une vie avec "du sens", "de la nature" ou "de l'espace".
"Bouseux"
Ce lieu, rénové par deux Bordelais presque sexagénaires arrivés en 2021, est "une concurrence déloyale" pour "les restaurateurs qui galèrent seuls", permise par le "travail non payé des bénévoles" et "les aides européennes données parce qu'on est vus comme des bouseux", fustige Philippe Guillon, tenancier du bar-PMU voisin, racheté durant le confinement.
Des "fantasmes classiques", plus liés à de la "politique", qu'à "une rivalité entre nouveaux et anciens", répond, blasé, Jean-Luc Mirabeau, le propriétaire, avec sa compagne Cécile, des locaux laissés gratuitement à l'association.
Leur programmation "fait bouger le village" mais "quand tu y rentres, tu sens que tu es à part", estime une commerçante, native du territoire, habituée à y déjeuner le week-end.
"C'est encore hermétique"
"Les deux mondes viennent mais ne se parlent jamais. C'est encore hermétique", regrette M. Mirabeau, codirigeant bénévole de la structure après une carrière de chef d'entreprise dans le milieu culturel.
Est-ce lié à la "déco" aux couleurs criardes de cette grange réaménagée, à l'étiquette "de gauche" accolée à l'association apolitique, au précédent des "nouveaux maraîchers, surdiplômés", qui parfois "se comportaient en donneurs de leçon" envers les cultivateurs locaux ou simplement le "temps nécessaire à l'adaptation" ? s'interroge le couple.
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"On m'avait prévenu qu'à la campagne tout prenait plus de temps" mais "la mayonnaise commence à prendre", veut croire M. Mirabeau.
L'Office du tourisme, animé par une enfant de la commune, salue la "diversité" de son offre et "sa complémentarité" aux autres commerces.
"Mais il y a des moments, comme après le dernier dépouillement horrible, où il y a aussi un côté réconfortant à se retrouver pour parler librement avec des gens qui vous ressemblent...", glisse, amère, Cécile.
Aux dernières législatives, cette circonscription, qui avait placé Jean-Luc Mélenchon en tête au 1er tour de la présidentielle de 2017, a élu une députée RN. Une première en Périgord vert.