"Un quart des immigrés comme des descendants d'immigrés déclarent avoir connu, souvent ou parfois, des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années", a souligné Pierre Tanneau de l'Insee, lors d'une conférence de presse de présentation de l'enquête "Portrait social" de la France en 2024.
Pire, "le sentiment de discrimination augmente d'une génération à l’autre pour les personnes d’origine non européenne" alors qu'il recule chez ceux originaires d'Europe, pointe l'étude. Ainsi, "les descendants d'immigrés d'origine asiatique et africaine déclarent plus souvent avoir connu des discriminations que la première génération (34 % contre 26%)".
Pourtant, la situation socio-professionnelle des descendants est bien meilleure que celle des immigrés, pour toutes les origines, relève l'étude.
Le paradoxe de l'intégration
C'est le "paradoxe de l'intégration", selon Pierre Tanneau, soit une "augmentation des discriminations malgré une amélioration de la situation sociale".
"Les personnes peu diplômées déclarent moins de discrimination que les personnes diplômées du secondaire", poursuit le responsable de la cellule "Statistiques et études sur l'immigration" à l'Insee.
Comment expliquer que ni l'intégration, ni les diplômes ni l'accès à un meilleur statut social ne protègent ?
Pour M. Tanneau, "le fait que les personnes diplômées du supérieur déclarent davantage de discrimination que les personnes moins diplômées peut s'expliquer par une meilleure sensibilisation".
Mais aussi par l'environnement social et professionnel : "Un meilleur diplôme permet d'accéder à de nouvelles sphères professionnelles, meilleures, et donc d'avoir davantage d'interactions" avec des Français qui n'ont pas d'ascendants immigrés et d'y faire l'expérience du "plafond de verre".
"Mais nous n'avons pas d'informations sur les personnes qui discriminent", ajoute le rapporteur.
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L'origine géographique et la religion, principaux critères de discriminations
Le premier critère de discrimination reste l'origine "géographique" suivie de la religion.
De fait, ceux qui ont des origines maghrébines ou plus largement africaines ont respectivement un risque multiplié par "2,1 et 2,9" de ressentir une discrimination par rapport à ceux dont la famille vient d'Europe.
Et les personnes de confession musulmane "ont un risque multiplié par 1,4" de déclarer des discriminations par rapport à une personne athée.
S'ajoute le sentiment de déni de leur identité française: 29% des descendants d'immigrés non Européens estiment qu’on ne les "voit pas comme des Français", contre 8% des descendants d’immigrés européens.
Et les premiers doivent davantage répondre à la question: "D'où viens-tu?".
Pour établir cette note, l'Insee s'est appuyée sur différents travaux menés ces dernières années, dont l'enquête Trajectoire et origines 2019-2020, menée avec l'Ined (Institut national des études démographiques).
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