"Au 24 mars, 1.580 personnes se sont adressées à l'instance et 1.235 sont accompagnées", a affirmé la présidente de l'Inirr Marie Derain de Vaucresson en présentant mardi à la presse le bilan de trois ans d'activité.
A l'heure où l'enseignement catholique est secoué par l'affaire Bétharram, Mme Derain a évoqué "une reprise d'activité en février" 2025, où "l'instance a été sollicitée par 31 personnes, alors que nous étions à une moyenne de 10 personnes par mois".
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Un "pic de demandes"
"C'est évidemment une conséquence de la médiatisation des violences sexuelles dans l'Eglise en lien avec l'affaire de Bétharram et les révélations autour de l'abbé Pierre" survenues l'été dernier, a-t-elle ajouté.
Cela a entraîné un "rajeunissement important" car "sur la cinquantaine de sollicitations, la moyenne d'âge est de 56 ans", (contre 61 ans l'an dernier), ce qui signifie "des personnes victimes dans les années 70, 80 et 90".
L'instance avait déjà enregistré un "pic de demandes" en février 2024, au moment des premières révélations sur cet établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques.
L'instance a également été sollicitée par deux personnes après les révélations sur l'abbé Pierre, dont un homme, a expliqué Mme Derain.
Lors de la conférence de presse, Gilles Tillet, 53 ans, lui-même violé à l'âge de 10 ans par le père Bernard Preynat (condamné en 2020 à cinq ans de prison pour des agressions sexuelles sur mineurs), a salué cette libération de la parole à Bétharram.
"Il faut voir le courage que ça demande, dans ces milieux", a affirmé ce scénariste de 53 ans, "issu d'un milieu catholique, bourgeois, type Bétharram" avec "la sévérité qui va avec", et qui s'est retrouvé 20 ans avec le RSA et 15 ans en analyse après ces violences.
"Réaliser d'avoir été violé et travailler avec l'Inirr m'a permis de sortir du RSA, de m'installer avec mon copain... c'était concret", a-t-il expliqué.
Sur la seule année dernière, l'instance a reçu au total 168 saisines (pour 215 en 2023 et 1.136 en 2022).
Réponse de crise
L'Inirr, destinée aux victimes dans les diocèses, avait été créée par l'épiscopat français dans le sillage du rapport de la Ciase en 2021 sur la pédocriminalité dans l'Eglise, en parallèle de la CRR (Commission reconnaissance et réparation) destinée aux victimes dans les congrégations.
Ce rapport estimait à 330.000 le nombre de mineurs victimes de violences pédophiles dans l'Eglise.
La CRR, elle, a été saisie par 1.065 personnes au total et a émis 491 recommandations (au 25 février).
Pour sa part, l'Inirr a rendu au total 765 décisions, dont 99% comportent une dimension financière, et "132 accordent le montant maximum" de 60.000 euros. L'an dernier, le montant moyen des réparations s'est élevé à 36.430 euros.
Du côté du profil des victimes, 66% sont des hommes, et la moitié avaient entre 11 et 15 ans au moment des faits. 52% des violences ont duré "de un à cinq ans".
Par ailleurs l'an dernier, 213 démarches restauratives ont été initiées.
Les dimensions financière et restaurative "n’ont pas la même fonction" et "ne produisent pas le même effet", la seconde permettant "un ancrage dans le réel" de la victime, souligne l'Inirr.
Le rapport rappelle que le mandat de Mme Derain a été prolongé jusqu'au 30 juin 2026. L'un des "enjeux cruciaux" de ce second mandat sera de pouvoir initier une démarche de reconnaissance "avec chaque personne qui en fera la demande".
"Aujourd’hui les demandes se tarissent, mais il en arrive toujours, et il en arrivera toujours", note le rapport. Même si, conçue comme une "réponse de crise", l'Inirr "devra nécessairement mettre fin à sa mission".
"On voit que ça bouge, mais qu'il reste encore des territoires à conquérir" pour aider les victimes, a estimé Mme Derain.
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