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Bruxelles secouée par "une guerre des gangs"

Une série de fusillades liées au narcotrafic à Bruxelles, dont l'une mortelle, inquiète les autorités et illustre l'insuffisance des moyens de la police et de la justice pour lutter contre une criminalité ultraviolente, usant d'armes de guerre en pleine rue.
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Un homme a été tué dans la nuit de jeudi à vendredi dans une cité de la commune bruxelloise d'Anderlecht, a annoncé le bourgmestre de la commune, Fabrice Cumps.

Il a été victime de la quatrième fusillade liée au trafic de drogue à Bruxelles depuis mardi soir, et la troisième à Anderlecht en l'espace de 48 heures sur un des points de vente de stupéfiants bien connus, les "hotspots" identifiés en 2024 par les autorités.

Ces tirs dans le quartier du Peterbos, où pourtant des policiers étaient déployés dans la nuit, relèvent probablement de représailles après ceux survenus aux abords d'une station de métro dans les heures précédentes, selon le bourgmestre, qui a déploré vendredi matin "une guerre des gangs pour le contrôle des territoires".

Mercredi les images de la vidéosurveillance de la station de métro Clemenceau ont fait le tour des réseaux sociaux. On y voit deux hommes en blouson et cagoule brandir chacun un fusil d'assaut et faire feu sur une cible invisible, avant de s'enfuir vers les souterrains.

Ces deux suspects, toujours recherchés deux jours plus tard, ont agi au milieu des passants empruntant le métro, et les faits ont d'autant plus choqué les autorités qu'un impact de balle a été retrouvé sur le mur d'une chambre d'enfant, dans une rue voisine.

"Une famille s'est réveillée le matin avec cet impact de balle dans une chambre d'enfant. Combien de morts faudra-t-il pour qu'on ait une réaction à la hauteur de la gravité de la situation?", s'est insurgé sur la RTBF le procureur de Bruxelles, Julien Moinil.

Le magistrat a demandé "d'urgence" des renforts de police dans la capitale pour identifier ces groupes criminels.

Il a aussi regretté "une chaîne judiciaire faible" et la surpopulation carcérale chronique, qui empêche actuellement l'exécution de toutes les peines. Une référence au système de congés qu'a dû instaurer l'administration pénitentiaire pour libérer des places.

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"Laxisme incontestable"

"Vous sortez de prison un mois, puis vous rentrez un mois, avant de ressortir. C'est d'une incohérence absolue, cela empêche évidemment la réinsertion", a dénoncé Julien Moinil.

"Le laxisme à Bruxelles est là, c'est incontestable", a-t-il ajouté, appelant à ce que "chaque fait reçoive une réaction, sinon vous laissez s'installer l'impunité, qui est l'ennemi de l'État de droit".

Le bourgmestre d'Anderlecht, de son côté, a demandé que les criminels condamnés "ne puissent pas continuer à gérer les trafics depuis les prisons".

Fabrice Cumps a aussi appelé à "donner des moyens" à la police judiciaire fédérale jugée plus apte à s'attaquer à "l'ultraviolence" générée par le contrôle des lieux de vente. "Un point de deal rapporte 50.000 euros par jour", a souligné l'élu. 

En Belgique, pays à l'architecture institutionnelle complexe, les bourgmestres ont compétence sur les zones de police locale (six pour les 19 communes de Bruxelles), et l'Etat gère les moyens de la police fédérale.

Mais le gouvernement fédéral en place depuis le 4 février n'évoque pas de nouveaux recrutements dans la police face à une situation budgétaire très contrainte.

"Il n'y a pas de renforts possibles, tous les policiers sont déjà occupés", lâche une source proche du dossier.

La coalition dirigée par la conservateur flamand Bart De Wever compte fusionner les zones de police de la capitale pour les rendre plus efficaces, mais le projet est rejeté en bloc par les bourgmestres.

Ceux-ci défendent un système de commandement unique qui leur permet déjà de mutualiser leurs moyens policiers en cas de situation d'urgence comme ces jours-ci. 

Après l'émotion suscitée par les fusillades d'Anderlecht, le nouveau ministre de l'Intérieur, Bernard Quintin, a demandé à la police fédérale de "renforcer sa présence dans les stations de métro bruxelloises".

En 2024 il y a eu neuf morts et 48 blessés dans les 92 fusillades liées au narcotrafic à Bruxelles, selon la police fédérale. Le décès de la nuit dernière est le premier recensé en 2025, pour six fusillades depuis le 1er janvier. 

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