La gauche espagnole frappée de plein fouet par une affaire #MeToo

Un scandale sexuel a contraint à la démission l'une des figures les plus connues de la gauche radicale espagnole.
Crédit : mishasurfu / Pixabay

La gauche radicale espagnole, membre de la coalition au pouvoir de Pedro Sánchez, est frappée de plein fouet par un scandale sexuel qui a contraint à la démission l'une de ses figures les plus connues.

Mais l'affaire est un coup terrible pour toute la gauche, car elle touche à ce qui est depuis des années son principal cheval de bataille: la lutte pour l'égalité femme-hommes et contre les violences sexuelles.

Elle survient aussi dans un contexte politique très difficile pour M. Sánchez, confronté à deux affaires de corruption impliquant son épouse et un de ses anciens ministres.

L'affaire a éclaté au grand jour jeudi avec l'annonce par Iñigo Errejón, jusqu'alors porte-parole au Congrès des députés de Sumar ,la plateforme de gauche radicale dirigée jusqu'en juin par la ministre communiste du Travail Yolanda Díaz, de sa démission de toutes ses fonctions.

M. Errejón, 40 ans, a annoncé qu'il quittait la vie politique dans une lettre sur le réseau social X dans laquelle, sans reconnaître les faits précis dont il est accusé ni présenter d'excuses, il admet simplement "des erreurs".

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"Véritable monstre"

À l'origine, il y a, lundi, un message d'une journaliste et écrivaine féministe de renom, Cristina Fallarás, qui avait publié sur son compte Instagram le témoignage anonyme d'une autre femme dénonçant, sans le nommer, "un homme politique qui vit à Madrid, très connu", le qualifiant d'"agresseur psychologique", de "véritable psychopathe" et "de véritable monstre sous des airs de personne normale".

Ces accusations ont immédiatement déclenché sur les réseau sociaux une tornade au centre de laquelle s'est retrouvé M. Errejón.

Coffondateur de Podemos en 2014 en compagnie de Pablo Iglesias, qui l'avait évincé du parti quelques années plus tard, M. Errejón, docteur en sciences politiques, avait ensuite co-fondé Más Madrid, qui avait rejoint l'an dernier Sumar, la plate-forme créée par Mme Díaz à la gauche du Parti socialiste de M. Sánchez.

Dès mardi, Sumar et Más Madrid, dont les soupçons s'étaient vite portés sur M. Errejón, avaient ouvert des enquêtes à la suite du message de Mme Fallarás.

Dans la soirée de jeudi, la femme dont le témoignage a entraîné la chute d'Iñigo Errejon, une actrice et présentatrice de télévision, a annoncé sur son compte X qu'elle avait été "victime d'agression sexuelle" de sa part et avait porté plainte auprès de la police, qui a transmis le dossier à la justice.

Selon la plainte, consultée par l'AFP, les agressions remontent à septembre 2021. 

Selon la presse espagnole, M. Errejón n'a eu d'autre choix que de démissionner pour éviter une expulsion pure et simple de son parti et de Sumar.

L'embarras des dirigeants de Sumar, mais aussi de ceux du Parti socialiste, est palpable et beaucoup sont montés au créneau vendredi pour réaffirmer leur solidarité avec les victimes de violences machistes et assurer que toute la lumière serait faite sur cette affaire.

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"Hypocrisie"

Depuis la Colombie, où elle est en visite, Yolanda Díaz a exprimé sans tarder sa solidarité avec les victimes d'agressions sexuelles et a renvoyé toutes les questions à Sumar, dont elle n'est plus officiellement le leader.

De manière révélatrice de leur inquiétude, les responsables socialistes ont multiplié les prises de parole en soutien à Sumar.

"Ce qui est important, c'est comment on réagit devant ce type de situation", a ainsi commenté la première vice-présidente du gouvernement, María Jesús Montero. Sumar, a-t-elle dit, a réagi avec "fermeté et transparence".

Pour sa part, l'opposition de droite tire à boulets rouges contre la gauche, affirmant que ses discours féministes relèvent de l'"hypocrisie" et exigeant de savoir qui était au courant du comportement de M. Errejón et depuis combien de temps.

"Tout porte à croire qu'ils (la direction de Sumar) le savaient et l'ont étouffé", a ainsi commenté l'un des principaux dirigeants du Parti populaire (PP, conservateur), Elías Bendodo. "Et s'ils le savaient et l'ont étouffé, cela s'appelle de la complicité", a-t-il ajouté.

Signe de l'impact de ce scandale, Pedro Sánchez, qui s'est souvent vanté d'être à la tête du gouvernement "le plus féministe" de l'Histoire de son pays, avait réagi dès jeudi pour souligner qu'il travaillait "pour une Espagne féministe où les femmes ont les mêmes droits" que les hommes et pour exprimer "(son) soutien aux femmes qui subissent des agressions".

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