Après la destitution de Yoon, quel avenir politique pour la Corée du Sud ?

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Après quatre mois d'une crise déclenchée par la tentative du président sud-coréen Yoon Suk Yeol d'imposer la loi martiale, la Cour constitutionnelle l'a finalement destitué vendredi.
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Une élection présidentielle anticipée doit se tenir sous 60 jours pour désigner son successeur. Les experts estiment cependant que le verdict de la Cour ne suffira peut-être pas à sortir le pays du chaos politique.

Voici ce qui pourrait advenir :

Quid de Yoon ?

Il est désormais ex-président. L'arrêt de la Cour constitutionnelle a pris effet immédiatement, lui retirant ses pouvoirs, ses privilèges et son accès au complexe présidentiel.

M. Yoon perd également son immunité de chef d'Etat. Il est déjà mis en accusation pour "insurrection", un crime non-couvert par cette immunité, et encourt la prison à vie, voire la peine de mort.

L'ancien procureur vedette, à qui il était reproché au cours de son mandat d'abuser de son droit de veto pour empêcher une enquête parlementaire sur son épouse Kim Keon-hee, pourrait aussi voir ses proches visés.

"Yoon évincé du pouvoir, le parquet va commencer à enquêter en détail non seulement sur lui mais aussi sur Kim", souligne Yo Jung-hoon, avocat et commentateur politique.

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Quand se tiendra la présidentielle ?

Une élection présidentielle à un seul tour doit avoir lieu sous 60 jours. La date du scrutin sera annoncée d'ici dix jours. Selon les médias locaux, il se déroulera probablement au cours de la première semaine de juin.

Le vainqueur sera investi président dès le lendemain du résultat.

En attendant, le Premier ministre Han Duck-soo assure l'intérim, une charge que la Cour constitutionnelle lui a rendue le 24 mars en annulant la procédure de destitution engagée contre lui par le Parlement.

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Qui pour devenir président ?

Le leader de l'opposition démocrate Lee Jae-myung sera "probablement (le) prochain président", estime auprès de l'AFP Karl Friedhoff, du Chicago Council on Global Affairs, se faisant l'écho d'autres experts. M. Lee caracole en tête du dernier sondage Gallup avec 34 % d'approbation.

Si M. Lee l'emporte, son parti qui contrôle déjà l'Assemblée nationale "pourra poursuivre et adopter toutes les réformes et lois qu'il souhaite", souligne M. Friedhoff.

Ancien enfant ouvrier blessé dans un accident industriel, ayant quitté l'école à l'adolescence, Lee Jae-myung a construit sa carrière sur cette image d'un homme parti de rien.

En 2022, il a été battu d'extrême justesse par Yoon Suk Yeol. Malgré des ennuis avec la justice et une tentative d'assassinat, il est parvenu à rester sur le devant de la scène et à s'imposer comme le chef de l'opposition.

Sa situation est encore confortée par une récente relaxe dans une affaire d'infraction de la loi électorale, qui aurait pu lui coûter son éligibilité.

Cette décision lui a donné "un avantage significatif", relève Lee Jun-han, professeur de politique à l'Université nationale d'Incheon.

Qui sont les autres candidats ?

En deuxième place, très loin derrière M. Lee, le ministre du Travail Kim Moon-soo mène un groupe de potentiels candidats du Parti du pouvoir au peuple (PPP, droite), parmi lesquels figure également l'ancien chef de cette formation Han Dong-hoon.

M. Kim, crédité d'environ 8 % d'intentions de vote, a attiré l'attention en refusant de s'excuser publiquement pour avoir échoué à empêcher la déclaration de la loi martiale. Des sympathisants conservateurs ont alors loué un politicien "de principe et fort".

Agé de 73 ans, Kim Moon-soo avait commencé par militer à gauche lorsqu'il était étudiant. Mais il a ensuite basculé dans le camp conservateur, estimant que "la chute du bloc soviétique et les réalités horribles de ces régimes ont révélé à quel point leur système était inhumain et antisocial".

Et ensuite ?

Malgré sa chute, M. Yoon "a réussi à mobiliser une base politique cohérente, en particulier parmi les groupes d'extrême droite", observe auprès de l'AFP Ji Yeon Hong, professeure de sciences politiques à l'université du Michigan.

"Ce mouvement... est plus structurel et idéologique", déclare-t-elle, avertissant que cet aspect de l'héritage de M. Yoon pourrait lui survivre.

Le prochain chef de l'Etat aura nombre de défis à relever : une économie morose et de profondes divisions politiques, au moment même où le président américain Donald Trump a déclaré une guerre commerciale au monde entier.

"L'un des problèmes les plus urgents sera de trouver la manière de maintenir une alliance forte avec les Etats-Unis et l'alliance trilatérale avec les Etats-Unis et le Japon", souligne Gi-wook Shin, professeur de sociologie à l'université de Stanford.

Lors de son premier mandat, Donald Trump avait rencontré plusieurs fois le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, prônant la détente sans réussir à lui faire abandonner son programme nucléaire.

"Les relations avec la Corée du Nord ne doivent pas être négligées", dit à l'AFP Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo.

"Pour le prochain président sud-coréen, relever ces défis diplomatiques complexes sera une priorité absolue", résume-t-il.

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