C'est l'ancien ministre macroniste Guillaume Kasbarian (Logement, Fonction publique et simplification), qui défendra à partir de 16h00 ce texte.
"Les deux tiers des communes françaises aujourd'hui ne disposent plus de commerces. En toute logique, plus encore ne disposent ni d'un bistrot ni d'un café", s'inquiète le député d'Eure-et-Loir (Ensemble pour la République, EPR).
Ce tenant assumé d'une ligne politique très libérale, même au sein de la macronie, propose de mettre en place une dérogation, qui permettrait d'octroyer une licence IV pour ouvrir un bistrot ou un café. Cette licence autorise à vendre et consommer sur place certains alcools, notamment ceux avec un taux supérieur à 18 degrés.
La création de licences IV est aujourd'hui prohibée. Un établissement qui souhaite en obtenir une doit le plus souvent, après autorisation du préfet, l'acquérir auprès d'un autre établissement du département ou du département limitrophe, lorsque ce dernier met la clé sous la porte par exemple.
Un "chemin de croix" selon M. Kasbarian.
Il souhaite instaurer sa dérogation dans les communes de moins de 3.500 habitants, reprenant ainsi, et surtout pérennisant, une expérimentation instaurée fin 2019 pour trois ans.
Le photographe Guillaume Blot a fait le tour de France des rades
Santé publique
Le nombre de bénéficiaires potentiels est difficile à déterminer: plus de 31.000 communes en France (sur 35.000) ont moins de 3.500 habitants, selon l'Association des maires de France. Mais la dérogation ne vaudrait que pour les communes qui n'ont aucun bistrot ou café bénéficiant déjà d'une licence IV.
En commission, les débats ont d'abord tourné autour des risques de santé publique.
"L'alcool est responsable de 41.000 décès prématurés chaque année", a alerté Hendrik Davi (groupe Ecologiste et Social). "Nous connaissons tous des (établissements) qui vivent très bien sans licence IV, sans vendre d'alcool fort", a avancé Cyrille Isaac-Sibille (MoDem).
"Les cafés dont nous parlons sont avant tout des lieux de vie, dans des espaces très ruraux et dans une société où la tendance (...) est au repli sur soi", a défendu Fabien Di Filippo (Droite républicaine). L'absence de bistrots n'entraîne pas nécessairement de modération a jugé Stéphanie Rist (EPR) : "il suffit d'aller au supermarché pour acheter de l’alcool".
A Eglise-Neuve-de-Vergt (Dordogne, 600 habitants), le maire PS Thierry Nardou a bénéficié de l'expérimentation lancée en 2019, pour obtenir une licence IV. Elle permet à la guinguette d’un parc accrobranche de servir trois mois dans l'année, mais il compte la mettre à disposition à l'automne d'un "multiple rural" mêlant bar, épicerie, relais colis ou encore boulangerie.
"Cela fait bien longtemps qu'on n'a plus de commerce, ni de service. Le dernier bistrot a fermé il y a 35-40 ans", argue l'édile.
Andréas connecte les gens avec son "bistrot éphémère"
Plus ou moins de régulation ?
Mais le transfert de licence implique que le gérant de la guinguette en trouve une autre: "c'est très compliqué, je peux en louer une mais ça va me coûter 580 euros par mois contre les 70 euros" payés à la mairie, s'inquiète Laurent Lamy, critiquant une réglementation des licences "qui manque beaucoup de souplesse".
Un système qui sera largement débattu dans l'hémicycle, après des discussions déjà nourries en commission.
Les députés de gauche, mais aussi le député Horizons François Gernigon, craignent de voir les licences IV créées par ce texte captées dans les prochaines années par d'autres communes plus grandes ou attractives, avec un risque de retour "à la case départ", selon le député LFI Hadrien Clouet.
Faut-il circonscrire les transferts au sein d'une même commune, d'une intercommunalité, donner aux maires des pouvoirs de veto? Une série d'amendements sera discutée en séance, avec un avis du rapporteur qui s'annonce défavorable.
Guillaume Kasbarian argue qu'un maire peut déjà s'opposer au départ d'une licence IV. Mais cela ne vaut que lorsqu'il s'agit de la dernière de sa commune.