"J'ai entendu davantage de 'oui' que de 'non', ainsi la loi est adoptée", a déclaré Syedaal Khan, vice-président du Sénat pakistanais après l'examen du texte.
A l'énoncé de la décision, des reporters ont quitté la tribune du Sénat en signe de protestation.
La nouvelle loi vise quiconque "dissémine de façon intentionnelle" des informations en ligne dont les autorités ont "des raisons de croire qu'elles sont fausses ou fabriquées et pourraient causer peur, panique, désordre ou troubles".
Le texte avait été rapidement présenté à l'Assemblée nationale la semaine dernière avant son examen au Sénat mardi. Le président Asif Ali Zardari doit encore l'approuver.
"L'Etat veut contrôler les réseaux sociaux comme il le fait avec les médias traditionnels", a critiqué Asad Ali Toor, un journaliste utilisant la plateforme YouTube, descendu manifester dans les rues d'Islamabad mardi après-midi avec plus de 150 confrères.
Une cinquantaine de journalistes ont également manifesté à Karachi (sud), devant le Club de la presse local.
Pour Asif Bashir Chaudhry, de l'Union fédérale des journalistes, les autorités ont "trahi et poignardé dans le dos" les journalistes en votant cette loi sans les consulter, comme elles l'avaient selon lui promis.
"Nous voulons réellement une loi contre la désinformation, mais si elle est imposée par la peur et la coercition plutôt que par le dialogue, nous la dénoncerons par tous les moyens possibles", a-t-il prévenu.
"Même sous toutes les dictatures, les lois n'étaient pas passées en force au Parlement comme cela se pratique aujourd'hui", a poursuivi M. Chaudhry. Le Pakistan a connu plusieurs coups d'Etat et des décennies de loi martiale.
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"Anarchie"
La nouvelle loi force les réseaux sociaux à obtenir une licence auprès d'une nouvelle commission, qui pourra la retirer temporairement ou définitivement en cas de manquement.
Elle confie aussi les enquêtes pour désinformation aux très redoutées agences de renseignement, tout en autorisant tout particulier à déposer plainte.
Islamabad est de longue date critiqué par les ONG pour ses restrictions au réseau internet: ces dernières années, YouTube et TikTok ont été bannis un temps du pays, et X y est désormais officiellement inaccessible.
Jusqu'ici, tout le monde - ministres compris - parvenait à contourner ces interdictions en se localisant via des VPN hors du Pakistan. Mais les autorités disent régulièrement vouloir restreindre l'usage de ces voies de contournement aux seuls professionnels du net -- et donc l'interdire aux particuliers.
Depuis août, internet tourne au ralenti. Les acteurs du numérique accusent le gouvernement de tester un pare-feu pour mieux surveiller les échanges, recherches et activités en ligne des 240 millions de Pakistanais.
La question des informations en ligne est cruciale au Pakistan, un pays où l'ensemble des partis politiques communiquent principalement sur les réseaux sociaux et où l'ex-Premier ministre Imran Khan prononce désormais des discours vidéo générés par une intelligence artificielle puisqu'il est en prison.
Son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) se dit premier visé par les lois sur l'expression en ligne, y voyant un moyen de plus de le priver de la victoire qu'il revendique toujours aux législatives de février 2024 -- même s'il est exclu de la coalition gouvernementale formée à leur suite.
Mardi, le chef de l'opposition au Sénat et membre du PTI Syed Shibli Faraz, a estimé que la loi était "fortement antidémocratique".
Tanveer Hussain, ministre fédéral et parlementaire, a assuré qu'elle ne viserait pas les journalistes mais seulement les réseaux sociaux.
"Je suis sûr que dans le futur, l'anarchie causée dans la société par les réseaux sociaux sera contrôlée", a-t-il dit.
Le Pakistan est 152e sur 180 pays au classement de la liberté de la presse de l'ONG Reporters sans frontières (RSF).