Communément appelé le “Syndrome de Bonnie and Clyde”, en référence aux tourtereaux meurtriers du début du 20e siècle, l’hybristophilie désigne l’attirance éprouvée pour des individus qui se sont rendus coupables de crimes et de délits.
Luigi Mangione, un premier de la classe en colère contre le système de santé américain
L’attrait pour le crime, un phénomène ancien
La fascination qu’exerce Luigi rappelle les études menées par un sexologue néo-zélandais, John Money, dans les années 1980. L’hybristophilie a été cliniquement répertoriée pour la première fois en 1986 dans son ouvrage “Lovemaps : Clinical concepts of sexual/erotic health and pathology, paraphilia, and gender transposition in childhood, adolescence, and maturity”. Il y introduit le concept de paraphilie, désignant une pratique sexuelle qui diffère des actes traditionnels. Ce concept englobe également les attirances sexuelles considérées comme “anormales”. Au fil des années, différentes études portant sur l’hybristophilie se sont succédées.
En 2016, la chercheuse Christine M. Sarteschi, dans son ouvrage “Mass and serial murder in america, springerbriefs in behavioral criminology” introduit le concept d’hybristophilie dite “passive” à travers le phénomène des “murder groupies”, adeptes de “true crime”, soit des faits criminels tirés d’histoires réelles. L’hybristophilie “passive” se distingue de l’hybristophilie dite “agressive”, dans laquelle les individus adoptent des comportements pénalement répréhensibles ou violents afin d’aider les criminels par lesquels ils sont attirés.
Agnès Giard, anthropologue, écrivaine et journaliste parle de “fantasme du voyou”, qui n’est pas dangereux, à son sens, dans sa forme la plus courante. En revanche, sa dangerosité se révèle lorsque l’on cherche à sortir du fantasme pour qu’il devienne réalité. Ainsi, certains sont entrés en contact avec des criminels, leur ont rendu visite en prison, d’autres les ont même épousés et ont eu des enfants avec eux.
Les individus attirés par les criminels sont généralement persuadés qu’ils ne sont pas coupables des faits et des crimes pour lesquels ils sont inculpés. Elisabeth, une travailleuse sociale qui était en contact avec Nordahl Lelandais, est tombée amoureuse et a eu un enfant avec lui. En janvier 2022, elle déclarait au Dauphiné libéré : “L'homme que je voyais n'était pas celui qu'on disait. Je voyais l'homme avant les actes.” La passion qu’éprouvait Elisabeth pour Nordahl Lelandais l’a poussée à transgresser la loi, elle a fourni au meurtrier cocaïne, rhum et téléphones portables. Des gestes qu’elle dit regretter amèrement aujourd’hui, elle affirme avoir été “utilisée” par Nordahl Lelandais.
Luigi Mangione, le dernier cas en date ?
Le phénomène est de nouveau sous le feu des projecteurs alors que Luigi Mangione, jeune homme de 26 ans considéré comme séduisant par de nombreux admirateurs sur les réseaux sociaux qui louent sa plastique et se réjouissent du meurtre, semble avoir froidement abattu Brian Thompson, PDG d’UnitedHealthcare, premier assureur santé privé des États-Unis, mercredi 4 décembre à l’aube. La police cherche à établir ses motivations exactes, il portait sur lui un manifeste virulent contre le système de santé américain. Aussi, les douilles des balles présentaient les inscriptions “delay” et “deny” soit “retarder” et “refuser”, faisant directement référence aux remboursements de frais de santé que certains Américains ne perçoivent pas.
Depuis, sur les réseaux sociaux, déclarations d’amour, mèmes humoristiques ou encore des montages vidéos valorisants essaiment ici et là. Luigi Mangione s’est mué en un véritable héros tandis que le meurtre de Brian Thompson est éclipsé par la nouvelle aura de son assassin.
Le compte X du présumé coupable est passé de 45 000 abonnés à 180 000 abonnés (décompte datant du mercredi 11 décembre 2024) depuis son arrestation. De même, son profil Instagram a vu affluer près de 58 000 followers, passant de 2000 abonnés à près de 60 000 abonnés, toujours en date du mercredi 11 décembre. Depuis, ses différents comptes ont été désactivés.
Cela va plus loin puisque cette “aura du tueur” pousserait certains a rejeter l’idée selon laquelle Luigi est coupable du meurtre. De nombreux posts sur les réseaux sont accompagnés des hashtags #itsnothim (ce n’est pas lui) ou encore #freeluigi (libérez Luigi).
L’homme est actuellement incarcéré à la State Correctional Institution Huntingdon en Pennsylvanie.