Dans sa décision rendue jeudi dernier, la chambre de l'instruction a également écarté la circonstance aggravante de racisme, également voulue par ces parties civiles, a appris mardi l'AFP de source judiciaire.
Si ces circonstances avaient été retenues, les accusés auraient encouru une peine plus lourde et auraient été jugés aux assises.Pour ce premier grand procès du porno amateur, la chambre de l'instruction a donc décidé de confirmer le renvoi de 16 hommes devant la cour criminelle départementale - et a prononcé plusieurs non-lieux.
Deux autres hommes seront jugés devant le tribunal correctionnel dans le cadre de cette affaire, pour travail dissimulé et blanchiment du travail dissimulé de plusieurs personnes.
Nikita Bellucci et Doryann Marguet racontent l'envers du décor de l'industrie porno
"Pas à la hauteur"
L'ordonnance de renvoi avait été rendue en août 2023, demandant un procès pour 17 hommes devant la cour criminelle départementale, principalement pour viols en réunion et/ou trafic d'êtres humains. Un 18e était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour le blanchiment du travail dissimulé.
36 parties civiles avaient fait appel, voulant une requalification à la hausse afin qu'une dizaine d'accusés soit jugés pour viols accompagnés d'acte de tortures, de sexisme et de racisme.
Au moment de cet appel, l'une de leurs avocates, Me Lorraine Questiaux, avait rappelé certaines scènes filmées, dénonçant une "volonté de porter atteinte à la dignité d'autrui".
"Exemple parmi tant d'autres, sur une vidéo, on voit une meute d'hommes cagoulés qui pénètrent une femme à genou, les uns après les autres, et cela 88 fois en une heure", avait fustigé Me Questiaux, représentant plusieurs femmes et les associations Le Mouvement du Nid, les Effronté-es et Osez le Féminisme.
Le parquet général avait estimé, lui, que la circonstance aggravante de la torture n'était pas nécessaire car la jurisprudence permettait déjà de prendre en compte "des viols particulièrement sordides", le plus souvent qualifiés de viols en réunion.
Mardi, l'avocate s'est indignée de la décision en appel : "La justice n'est pas à la hauteur et ne protège pas le droit des victimes. Pour des raisons budgétaires, et parce qu'organiser un procès aux assises serait plus coûteux, tous les griefs qui étaient soulevés par rapport aux circonstances aggravantes ont été balayés".
Porno et consentement
"Innocence totale"
Onze mis en cause avaient aussi fait appel, parfois jusqu'à demander le non-lieu.
La plupart affirmaient que les femmes étaient consentantes, assurant qu'il s'agissait d'un jeu d'acteurs, et avaient accusé les enquêteurs de partialité dans l'exploitation des vidéos.
Alors que plus d'une dizaine d'entre eux devaient comparaître pour trafic d'êtres humains en bande organisée, plusieurs acteurs ont obtenu un non-lieu pour ces chefs : uniquement quatre hommes devront finalement comparaître pour trafic d'êtres humains en bande organisée.
Contactés par l'AFP, Mes Josselin Guillon et Marie-Alexandrine Bardinet, avocats d'un acteur, ont salué une décision qui "permet a minima de constater les erreurs juridiques commises par la juge d'instruction".
Cet arrêt "permet" aussi à leur client "de mieux comprendre les faits pour lesquels il est renvoyé" : il sera jugé pour viols en réunion. "Nous avons désormais à coeur de démontrer, devant la cour criminelle, son innocence totale", ont-ils ajouté.
"Dans ce dossier très volumineux en faits et en protagonistes, les deux faits reprochés à mon client ne me semblent toujours par caractérisés", a de son côté réagi Yann Le Bras, avocat d'un autre acteur, renvoyé pour viols en réunion. "Je soutiendrai son innocence devant la cour".
L'autre grand enjeu du dossier était l'infraction de proxénétisme.
Des parties civiles avaient demandé que plusieurs autres suspects ayant, selon elles, "aidé, assisté" aux tournages porno "rémunérés" soient jugés pour proxénétisme.
Mais la cour d'appel n'a pas été du même avis, et seul le dirigeant de la plateforme, "Pascal OP", compte parmi ses chefs de renvoi le proxénétisme aggravé sur plusieurs personnes.