De "l'Alcatraz" indonésien à la prison de Salemba à Jakarta qu'il doit quitter mardi après-midi avant de s'envoler pour Paris dans la soirée, le Français n'a "n'a jamais perdu l'espoir (...) car il pense d'abord à sa famille et aux autres", explique à l'AFP Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général de l'association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) qui le soutient depuis 2007.
En 2005, alors âgé de 42 ans, l'artisan soudeur originaire de Metz (est), débarque près de Jakarta pour installer des machines industrielles dans ce qu'il croit être une usine d'acrylique.
Confronté à des difficultés financières en France, il était venu en Indonésie une première fois pour faire ce travail contre un salaire de 2.000 euros par semaine, qu'il assure n'avoir jamais touché.
"Quand je suis revenu, j'ai vu tous ces produits chimiques, ça m'a fait tiquer, je me suis dit qu'il y avait quelque chose de louche", racontait-il à l'AFP en 2015.
Le 11 novembre 2005, la police débarque et l'arrête. Il est alors accusé de possession de dizaines de kilos de méthamphétamine, de kétamine et autres substances servant à la production de drogue.
Se basant sur la jurisprudence, il pense s'en tirer avec 15 ans de prison mais est condamné à la perpétuité pour trafic de drogue. En mai 2007, la Cour suprême alourdit la sentence: il doit être fusillé, comme huit autres membres du "réseau".
Mais après une intensification de la pression par Paris et une forte mobilisation en France, les autorités indonésiennes acceptent de laisser un appel en suspens suivre son cours.
Après avoir compté les années dans une prison de haute sécurité au sud-est de Java, le Français a achevé sa détention dans la prison de Salemba. De là, malade, il s'est rendu chaque semaine dans un hôpital pour y recevoir un traitement.
"L'espoir, c'est la différence entre la vie et la mort", soulignait encore en 2015 celui qui a toujours été très actif durant sa détention.
"Prisonnier-modèle", c'est lui qui a rétabli le réseau d'eau dans sa prison et a également réparé la charpente, indique M. Chenuil-Hazan, qui lui a rendu visite pour la dernière fois en novembre 2023.
Père de quatre enfants et marié à Sabine, M. Atlaoui, "heureux et serein" depuis l'annonce de son retour prévu, "a toujours fait preuve d'une résilience qui force le respect", ajoute son avocat français Richard Sédillot.
La France demande le rapatriement de Serge Atlaoui, condamné à mort en Indonésie
Veloso-Ataloui, "destin croisé"
Le 19 décembre dernier, l'espoir grandit après la transmission par Paris d'une demande officielle de transfèrement. Jakarta avait ouvert la voie début novembre à de possibles rapatriements de prisonniers, indiquant être également en discussion avec les Philippines et l'Australie.
Les négociations ont rapidement abouti pour la Philippine Mary Jane Veloso, également condamnée à mort, et rapatriée à Manille le 18 décembre. Les cinq derniers membres australiens du réseau "Bali 9", en prison depuis 19 ans pour trafic de drogue, ont eux regagné leur pays trois jours plus tôt.
Pour M. Chenuil-Hazan, "il y a une sorte de destin croisé entre Serge et Mary Jane", mère de famille de 39 ans, condamnée à mort en 2010 pour trafic de drogue.
M. Atlaoui et Mme Veloso figuraient tous deux sur une liste de 10 détenus qui devaient passer devant le peloton d'exécution le même jour d'avril 2015.
Huit furent exécutés mais les noms de Serge Atlaoui et Mary Jean Veloso furent retirés de la liste au dernier moment.
Le 24 janvier dernier, après plusieurs reports, Paris et Jakarta signent enfin l'accord prévoyant le transfèrement du Français.
En 2015, un média australien a rapporté que l'ex-général Prabowo Subianto, alors dans l'opposition, avait demandé au président de l'époque Joko Widodo, surnommé "Jokowi" de surseoir aux exécutions d'étrangers, dont celle de M. Atlaoui, l'exhortant à "ne pas exécuter de ressortissants d'un pays ami".
Cette intervention de celui qui est devenu ensuite ministre de Jokowi, puis en 2024 son successeur à la présidence, a été confirmée à l'AFP par une source proche du dossier, souhaitant rester anonyme. La présidence ne l'a pas confirmé officiellement.