Le parquet, qui présente en Espagne ses réquisitions avant le début du procès, a réclamé deux ans et demi de prison à l'encontre de l'ex-président de la Fédération espagnole de football (RFEF) : un an pour agression sexuelle et un an et demi pour coercition.
Depuis une récente réforme du Code pénal espagnol, un baiser sans consentement relève de l'agression sexuelle, catégorie pénale regroupant tous les types de violences sexuelles, y compris le viol.
Aux côtes de Luis Rubiales sur le banc des accusés lors de ce procès, qui doit se dérouler à San Fernando de Henares, près de Madrid, jusqu'au 19 février, se trouveront l'ex-sélectionneur de la "Roja" féminine, Jorge Vilda, et deux anciens responsables de la RFEF, Rubén Rivera et Albert Luque.
Le ministère public a requis un an et demi de prison à l'encontre de ces trois hommes, eux aussi accusés d'avoir exercé des pressions sur Jenni Hermoso pour étouffer l'affaire.
Luis Rubiales refuse de démissionner.
"Faux féminisme"
A l'origine du scandale, une scène de liesse devant les caméras du monde entier, le 20 août 2023 à Sydney : les footballeuses espagnoles viennent de s'imposer en finale du Mondial face à l'Angleterre et sont félicitées sur un podium par le patron de la Fédération internationale (Fifa), Gianni Infantino, la reine d'Espagne Letizia... et le président de la RFEF, Luis Rubiales.
Au moment de congratuler l'attaquante Jenni Hermoso, ce dernier la serre dans ses bras, puis lui saisit la tête et l'embrasse brusquement sur les lèvres, avant de la laisser repartir en lui donnant deux tapes dans le dos.
Très vite, le geste de Luis Rubiales suscite des réactions outrées et le patron du football espagnol se défend en évoquant "un bisou de célébration entre deux amis" et en assurant que la joueuse était consentante.
Quelques jours plus tard, alors que les critiques s'accumulent et que la plupart des commentateurs s'attendent à ce qu'il annonce sa démission, il s'accroche à son poste et fustige "un faux féminisme", lors d'une Assemblée générale extraordinaire de la Fédération.
Offensée par ces déclarations, Jenni Hermoso, discrète depuis le début de l'affaire, sort alors de son silence et affirme s'être sentie "vulnérable et victime (...) d'un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de (sa) part".
"J'ai pleuré"
"J'ai pleuré" après le baiser, a confié la joueuse dans un récent documentaire diffusé sur Netflix et intitulé "Se acabó" ("C'est terminé"), qui revient sur "la colère" des joueuses espagnoles après leur sacre au Mondial, éclipsé par le geste de Luis Rubiales.
Ce dernier, également mis en cause dans une affaire portant sur des contrats signés durant son mandat entre 2018 et 2023, finit par démissionner le 10 septembre, deux jours après l'ouverture d'une enquête le visant.
Cette affaire a démontré que "même dans un espace public, à un moment où les yeux du monde entier sont braqués sur la télévision, la violence pouvait être perpétrée précisément à cause de l'incapacité de certains hommes à percevoir qu'ils exercent la violence", analyse Isabel Valdés, chargée des questions de genre au quotidien El País.
Aux yeux de la journaliste, la société espagnole était alors "prête à ne plus l'accepter".
L'affaire transforme Jenni Hermoso, qui évolue aujourd'hui au Mexique, en un symbole de la lutte contre le sexisme dans le sport. Le hashtag #SeAcabo, lancée par les joueuses pour dénoncer les violences machistes et les inégalités de traitement entre les sélections masculine et féminine, inonde les réseaux sociaux.
Dans le documentaire de Netflix, Jenni Hermoso raconte aussi les pressions qu'elle a subies pour étouffer le scandale, la Fédération lui réclamant notamment une vidéo dans laquelle elle devait affirmer que le comportement de Luis Rubiales "n'était rien, que c'était juste un moment d'euphorie".
Alexia Putellas, joueuse la plus capée de la sélection espagnole et double Ballon d'or, qui doit témoigner lors du procès, conclut : il fallait "protéger le président et tant pis si pour cela il fallait sacrifier Jenni".