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Brut Book — Submersion par Bruno Patino
Président d’Arte, Bruno Patino vient de publier “Submersion” un essai qui traite “du ressenti, parfois de la fatigue qu’on peut avoir face à un torrent de messages, d'images, de sons qui nous sont proposés, et notamment dans notre portable”. Pour lui, “les abondances qui nous sont envoyées, et qui étaient une promesse, sont devenues un promesse”. Il ajoute que “quand on a trop de choix, eh bien il se passe deux choses possibles. La première, c'est : on ne fait plus le choix. Donc on abandonne, on se dit "j'arrête de m'informer, je regarde rien, j'arrête d'écouter". Ou alors on délègue son choix. On se dit : "c'est trop compliqué de faire ce choix parce qu'il y a trop d'options, donc je le confie à quelqu'un d'autre", et on ne l'exerce plus personnellement. Sur Netflix par exemple, vous vous dites: “Je laisse, je délègue mon choix à une formule mathématique, qui me calcule, et je swipe, c'est-à-dire que je dis oui, non, oui, non, et je passe comme ça”.
Sauvage de Julia Kerninon — Brut Book
“N'oublions pas, dans toute cette nouveauté qui arrive, de préserver notre liberté de choix”
“Et je pense qu'effectivement, une partie croissante de notre vie informationnelle, de notre vie de divertissement et de notre vie de culture devient une sorte de vie Tinder-TikTok, c'est-à-dire où je me laisse embarquer par des choix prédéterminés qui ne sont pas forcément les miens, mais qui résultent d'un calcul sur mes données et je swipe d'option en option” explique Bruno Patino. Il précise également que “plus il y a d'options, plus vos attentes et vos espérances ont augmenté, donc plus la déception est potentiellement grande. Et donc c'est ce qu'on appelle, le paradoxe du choix. C’est qu'au bout d'un certain temps et d'un certain nombre d'options, plus on vous donne des options, plus en fait vous êtes malheureux”.
Perspective(s), par Laurent Binet – Brut Book
Pour Bruno Patino, président d’Arte, l’IA générative “va augmenter quelque chose qu'on subissait déjà. Ce déluge et cette augmentation croissante de signaux, de signes, de vidéos, de sons et de textes ne va faire que croître. Ce n'est pas l'apocalypse, mais ce flot va devenir un déluge phénoménal. Et donc, là où on avait déjà un ressenti de fatigue, là où on avait déjà un questionnement sur nos choix, et de temps en temps du mal à faire la différence entre la fiction et la réalité, tout cela va s'accroître encore”. Et en même temps, il note que “la défiance est de plus en plus grande par rapport à toutes les institutions classiques : les institutions, les médias, les gens dont le métier était de proposer des choses. Et faire en sorte que cette confiance soit restaurée, c'est à mon avis un des enjeux principaux”.
Brut book : La Colère et l’Envie d’Alice Renard
“Et n'oublions pas de continuer à faire la différence entre le réel et la fiction”
Dans le cadre de son travail, Bruno Patino explique qu’il travaille avec ses équipes sur trois points : travailler à proposer des outils de discernement entre la fiction et la réalité à destination du public, travailler à proposer des options, “y compris sur ce que vous ne cherchez pas”, et travailler sur la confiance entre les médias et l’audience. Pour conclure, il affirme qu’il y a “deux choses auxquelles je ne crois pas. Je ne crois pas au déterminisme technologique, c'est-à-dire que je ne crois pas du tout que le futur technologique est écrit, mais je ne crois pas non plus à l'autorégulation ou aux choses qui se font naturellement. Et le but de ce livre, c'est aussi de se dire: n'oublions pas, dans toute cette nouveauté qui arrive, de préserver notre liberté de choix. Et n'oublions pas de ne pas céder aux hallucinations. N'oublions pas de continuer à faire la différence entre le réel et la fiction”.