Brut Philo : penser contre soi-même

"Quelqu'un qui dit, au milieu d'un débat : 'J'ai tort, tu as raison', je vois rarement cela sur les réseaux sociaux." BRUT PHILO. Pourquoi essayer de penser contre soi-même est essentiel, particulièrement aujourd'hui. Par Nathan Devers, professeur de philosophie.

Penser contre soi-même est “une éthique de vie”


Pour Nathan Devers, professeur de philosophie, penser contre soi-même est “une éthique de vie car cela suppose de ne pas être dogmatique, d’être à l’écoute des autres, de ne pas s’opposer de manière stérile ni ferme à des discours, d’écouter leurs argumentations et d’accepter parfois d’être fragilisé par les discours des autres.” Avant d’être professeur de philosophie, Nathan Devers se prédestinait à un autre avenir : devenir rabbin. “A la fin de mon lycée, je le dis en une phrase, mais j'ai “perdu la foi”. Tout s'est écroulé par la découverte de la philosophie. Et donc j'ai vraiment rompu totalement pas avec le judaïsme, mais avec la religion”. Il tourne alors le dos à sa pratique, perd des amis. “J’ai fait une sorte de nouvelle vie, de nouvelle naissance. Et donc, précisément, c'est ce que j'ai appelé: "penser contre moi-même”, extrêmement littéral et au sens extrêmement incarné.” 

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Penser contre soi-même nécessite également de penser contre les présupposés, les valeurs, les grandes idées relatives à son époque, sa famille, son lieu de naissance. “A partir de là, la tâche de la philosophie, et je pense que la philosophie est une démarche universelle, c'est d'essayer de faire en sorte que sa pensée ne soit pas simplement l'épiphénomène de sa propre naissance, de sa propre incarnation et de son propre soi-même. Donc, c'est une expérience d'altérité. Ça suppose de s'intéresser au monde qui nous entoure avec curiosité, avec scepticisme, avec une forme de doute. C’est un travail de tous les jours, et il suppose de ne jamais vouloir bloquer sa pensée. Cette tâche là, qui est à la fois extrêmement dure et extrêmement violente, suppose d’avoir un rapport de violence intellectuelle par rapport à soi-même, de ne jamais s’asseoir ni se complaire”. 

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Le danger de la “bulle de filtres” des réseaux sociaux


Lorsque l’on débat avec quelqu’un, le but n’est pas d’avoir raison, et “d’écraser son adversaire”, explique le professeur de philosophie, mais “d’essayer de se rapprocher, à deux, de quelque chose qui s’apparenterait entre guillemets, sinon à la vérité, du moins à une pensée qui soit la plus construite, la plus complexe, la plus fiable. Et ça, ça suppose à un moment de pouvoir dire : "Ecoutes, non, j'ai tort, tu as raison, ton argument gagne." Nathan Devers pointe du doigt le danger de la “bulle de filtres” des réseaux sociaux : “Quand je vais sur Twitter, quand je vais sur Facebook, sur Instagram, le fil d'actualités qu'on va me montrer est un fil d'actualités qui est personnalisé et basé sur les pages aimées, nos amis, etc. Ce qui fait qu'à la fin des fins, quand j'ouvre mon fil d'actualités pour, par exemple, savoir ce qui s'est passé dans les 24 dernières heures sur Twitter, je ne vais voir du réel que ce que je veux en voir. (...) Là où c’est dangereux, c’est que nous assistons à un morcellement du réel”. 

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