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Brut philo : notre besoin naturel de transcendance, par Raphaël Liogier

"L'angoisse du vide, c'est ce qui est universel, c'est même la définition de l'humain." BRUT PHILO. Pourquoi nous avons un besoin naturel de transcendance, par Raphaël Liogier, auteur de "Khaos, la promesse trahie de la modernité".
Publié le
10
/
09
/
2023

Qu’est-ce que la transcendance ? 


Pour Raphaël Liogier, philosophe et sociologue, qui vient récemment de sortir un livre qui s'appelle Khaos, la promesse trahie de la modernité, “La transcendance est le sentiment lui-même d'incomplétude. Ce sentiment, je crois qu'il faut comprendre qu'il est irréductible et que c'est lui qui fait la nature de l'espèce humaine.”

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Il évoque également le terme d'angoisse du vide. “C'est ce qui est universel, c'est la définition de l'humain et c'est un sentiment, en quelque sorte, natif chez l'humain. C'est-à-dire que les choses sont plus grandes que ce qu'elles ont l'air d'être, elles sont autres que ce qu'elles ont l'air d'être, et donc il y a un désir de dépasser les apparences. Et c'est vraiment ce sentiment natif qui peut se traduire par un sentiment d'absurdité. Cette angoisse du vide s'est traduite par un désir de remplir le vide. Et notre société est devenue une société du remplissage du vide, alors que l'objet du vide, tel que je vous le dis, c'est pour ça que ça s'appelle khaos, c’est pas vide, c'est plein de potentialités, mais de potentialités insaisissables, mais insupportables, justement, parce qu'elles sont insaisissables. Et donc il a fallu remplir, mais remplir de façon inadéquate, remplir de matière, remplir d'argent, remplir de connaissance. On a fait de la connaissance, un système d'informations à remplir. Dans notre société, aujourd'hui, ce qui compte, c'est de remplir. Aujourd'hui, ce qu'on appelle le succès, c'est le nombre de vues sur Internet. C'est-à-dire : combien ? L'important, c'est combien. On n'arrive plus à avoir ce sentiment de transcendance, officiellement, parce qu'il a été complètement refoulé, parce que, même, on en a honte, il y a une sorte de honte de la transcendance, et donc on est dans une société du refoulement général, du refoulement de ce sentiment natif qu'est le sentiment de la transcendance parce qu'on n'est pas arrivé à l'assumer. On n'est pas arrivé à lui faire face. Et donc on a voulu le recouvrir, le remplir. Mais évidemment, plus on le remplit, de divertissement, d'accélération, c'est pour ça que la vie accélère, et moins on est satisfait, c'est-à-dire, paradoxalement, plus on se vide. Moi, ce que je propose, c'est de dire: il faut se reconnecter avec ce sentiment de la transcendance d'exister en tant qu'humain, d'être une vraie civilisation.” 

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Le succès du yoga, du développement personnel, genre de pensées que certains pourraient rapprocher du religieux se raccrochent à cette question de la transcendance. Pour Raphaël Liogier, ses propres fantasmes sur le yoga, les arts martiaux, le monastère de Shaolin, la pratique de la méditation, le bouddhisme révèlent un sentiment qui est très important. “C'était comme si, je faisais l'expérience brute, du khaos de ma liberté, mais très vite, j'ai eu honte parce qu'un certain nombre de forces, à l'école, mes parents, à peu près partout autour de moi, ont eu tendance à me faire honte et donc à me demander de le refouler. Ça a continué à exister chez moi, j'ai fait ma thèse de doctorat sur le bouddhisme occidentalisé, mais de façon parfois très critique, mais surtout parfois un peu trop négative, parce que c'est comme si j'avais besoin de démontrer que je n'étais pas dedans, en gros que j'étais sérieux. Eh bien, je crois que j'ai eu tort, parce que j'ai été poussé à faire ça. Mais j'ai eu tort. J'aurais pu être très critique tout en assumant le fait moi-même de faire du yoga, de la méditation tous les jours, je le fais, et c'est lié, à mon sens, de la transcendance. Mais je crois que notre société, qui a refoulé la transcendance, elle ne peut pas déshumaniser complètement l'homme. Au moment où on arrive où on en est aujourd'hui, c'est-à-dire au maximum d'usure de ce refoulement, remonte à la surface ce désir natif, le développement mais on pouvait parler la pensée positive, le déploiement de l'astrologie comme jamais on n'avait connu, le développement de toute une série de choses qu'on va appeler des superstitions, mais du yoga, de toutes ces choses, tout ce monde qu'on avait appelé le New Age à un moment donné, mais maintenant on peut plus l'appeler le New Age puisque c'est infusé dans toute la société. Les entreprises elles-mêmes l'utilisent dans leur employés. Le chamanisme, le néo-chamanisme, toutes ces choses-là. Mais moi, je crois qu'il ne faut pas s'en moquer. Ce qu'il y a, c'est que, et c'est ça, le problème, c'est qu'à la fois, c'est l'aspiration la plus forte et qu'aujourd'hui, elle explose littéralement. Mais qu'en même temps, et c'est ce qui est pervers, comme on n'arrive pas à l'assumer complètement, puisqu'il y a des forces qui tendent à l'inhiber, qui nous font honte de ça, qui le ridiculisent, eh bien, paradoxalement, c'est réutilisé par le capitalisme, par l'industrialisme, comme une sorte de manière d'être plus efficace. Je prends un exemple, ne serait-ce qu'un exemple”

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Pour lui, la méditation est quelque chose de formidable qui sert de réponse. “Ça va être utilisé comme une méthode pour être plus efficace, pour gagner plus de temps, par les coachs, par toute une série de tout ce nouveau capitalisme, ce matérialisme spirituel, si je puis dire, qui se met en marche. Au point qu'on va finir par parler maintenant de pleine conscience, alors qu'il faut vider, au contraire, il faut être en contact avec ce vide, qui ne peut pas être représenté, qui est la transcendance même, mais on va parler de pleine conscience comme si on faisait le plein, le plein d'essence pour être plus efficace. Moi, si j'avais un message, un message de base, ça serait de dire... À un moment donné, je crois qu'il y avait le pape qui avait dit: "N'ayez pas peur." Moi, je dirais: n'ayez pas honte. Ne vous laissez pas impressionner de l'extérieur par toutes ces forces dépressives qui semblent s'imposer à vous. Si vous avez envie vous pouvez le faire de façon positive, sans être manipulé. Ce n'est pas du tout idiot de faire du yoga. Si vous êtes chrétien, si vous êtes musulman, si vous, justement, Vous avez une identité, vous avez une identité, une identité catholique, française, etc., et que vous êtes attaché à ça, l'idée, ce n'est pas de refuser ça mais au contraire de l'embrasser totalement, et au nom même de cette identité d'admettre l'identité des autres. Donc je dirais: commencer par de ce qui est déjà là de ce qui est déjà là chez nous, chacun d'entre nous, qui était là dès l'enfance, comme une graine, et qu'on doit laisser s'épanouir, parce que c'est la seule manière d'être humain, c'est la seule manière de continuer à être humain. C'est la seule manière finalement de s'en sortir, d'ailleurs, aujourd'hui.” 

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