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Anastasia Mikova a interviewé 2000 femmes dans 50 pays
Pour « Woman », Anastasia Mikova a interviewé plus de 2.000 femmes venant de 50 pays
« Le sujet central de ce film est vraiment lié au corps des femmes. Tout ce dont nous parlons – et il y a tellement de sujets difficiles et différents – revient au corps », assure la réalisatrice.
Pour le documentaire Woman, la réalisatrice Anastasia Mikova a interviewé plus de 2.000 femmes venant de 50 pays. Voici ce qu’elle a découvert...
« Il s'agit de montrer à quel point les femmes sont fortes et résilientes »
À chaque étape de la vie, être une femme, bien souvent, n'est pas vraiment une bonne chose pour réaliser quelque chose. Mais en même temps, il faut voir la résilience qu’ont les femmes ! C'est comme si elles s'étaient servi de toutes ces difficultés pour se construire et devenir fortes. Pour moi, la leçon principale de ce film, ce ne sont pas les difficultés. Il s'agit de montrer à quel point les femmes sont fortes et résilientes.
Il y avait tellement de femmes avec qui nous sommes venus parler d’autre chose et qui ont fini par partager une histoire sur telle ou telle violence. Quand on dit qu’une femme sur trois dans le monde subit de la violence au cours de sa vie, c'est quelque chose dont j'ai vraiment été témoin lors des tournages. Je fais des interviews dans le monde entier depuis 15 ans. On ne vient pas de commencer il y a deux ou trois ans ! J'ai réellement constaté une grande différence.
« Je pense que c'est Internet qui a participé à cette libération des voix des femmes »
Il y a 15 ans, dans certains pays, au Bangladesh par exemple, où j'ai fait pas mal de tournages, il était impossible de trouver une femme prête à parler devant la caméra. Et nous voilà, il y a cinq ans, avec ces femmes qui venaient nous voir et qui nous disaient : « Je veux parler, je veux que mon histoire soit entendue. » C'était complètement nouveau. Et je pense, pour être honnête, que c'est Internet et tous les réseaux sociaux qui ont participé à cette libération des voix des femmes.
Le sujet central de ce film est vraiment lié au corps des femmes. Parce que tout ce dont nous parlons – et il y a tellement de sujets difficiles et différents – revient au corps. Pour moi, peut-être l'une des principales questions que je me pose est : « Mais enfin, pourquoi est-ce toujours un tel problème ? Pourquoi la société a-t-elle tant besoin de contrôler notre corps et ne peut-elle pas nous laisser tranquilles ? »
Plus de trois semaines à l'hôpital du Dr Mukwege
J'ai passé plus de trois semaines au Congo, à l'hôpital Panzi du Dr Mukwege, prix Nobel de la paix, qui répare des femmes qui ont été témoins ou qui ont subi le viol comme arme de guerre pendant de très nombreuses années. Quand vous êtes devant ces femmes qui partagent leurs histoires, vous ne pouvez même pas supporter de les entendre. Vous ne pouvez pas entendre ces choses parce que c'est trop horrible.
Et ces femmes ont vécu cela, et pourtant, elles sont là, debout devant vous, et elles vous disent : « Je ne veux pas être une victime. Je ne veux pas être victimisée. Je ne veux pas être vue toute ma vie comme une femme qui a été violée parce que je suis bien plus que ça. » Si je devais reproduire toutes les choses que j'ai entendues sur la violence dans le film, 70 % du film parlerait de violence. Mais nous avons décidé de ne pas en parler car, heureusement, la vie d'une femme n'est pas seulement une question de violences et de discriminations. Mais quand on dit que nous en parlons trop dans les médias, je dis que nous n'en parlons pas encore assez.
« Pourquoi est-ce encore un tel tabou de parler d’orgasme ? »
Toute l'idée de ce projet était de briser les tabous, de libérer les voix des femmes, mais pas uniquement sur des sujets difficiles. Fort heureusement, nous n'avons pas que ça dans nos vies. Le projet se dirigeait aussi vers tous ces sujets intimes et privés dont nous ne parlons jamais en public, ou presque jamais. Nous avons pensé : « Pourquoi est-ce encore un tel tabou de parler d’orgasme ? Pourquoi ne pouvons-nous pas en parler ? Essayons. »
Pour être honnête, je voulais qu’on le fasse et j'avais préparé toutes ces questions, mais je n'étais pas sûre que cela fonctionnerait partout dans le monde. Alors dans certains pays… Nous avons toujours des traducteurs ou des contacts qui travaillent avec nous dans différents pays. C'était drôle parce que lorsque nous en venions à ce sujet et que je leur disais : « OK, pouvez-vous lui poser des questions sur son premier orgasme ? » – c'est une question très courte – la traductrice mettait cinq minutes à la traduire.
« C'était comme si elles attendaient ce moment-là pour pouvoir partager toute la joie d'éprouver du plaisir »
Je me disais : « OK, il y a un problème, elle n'arrive même pas à le dire. » Du coup, je pensais : « Peut-être que certaines femmes ne voudront pas en parler. » Mais en fait, c'était fou. Une fois que vous avez ouvert cette porte, c'était genre, vous ne pouviez même pas la refermer. Nous avons dû couper certains trucs au montage, sinon ça aurait été une sorte de film érotique ! C'était comme si elles attendaient ce moment-là pour pouvoir partager toute la joie d'éprouver du plaisir dans leur vie.
Je veux que ce film soit une célébration pour les femmes. Je veux que les femmes se sentent célébrées par ce film. Et j'espère vraiment que pour les hommes, ce sera une ouverture sur un tout nouveau monde. Il se passe beaucoup de choses dans nos têtes. Nous, les femmes, sommes des créatures assez complexes. J'espère donc que pour les hommes, ce sera une sorte de nouveau monde et beaucoup, beaucoup de choses à comprendre.