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Pourquoi la routine est indispensable au cerveau

La routine, en fait, c'est pas si mal (c'est notre cerveau qui le dit).
Publié le
07
/
03
/
2020

La routine, c’est pas si mal !


Valentin Wyart, chercheur à l’Inserm et à l'École normale supérieure, nous explique pourquoi notre cerveau en a besoin.


« Quand on pense à la routine, on pense souvent à quelque chose d'ennuyeux. Mais la routine, pour le cerveau, c'est surtout une histoire de compromis », assure *Valentin Wyart, chercheur à l’Inserm et à l'École normale supérieure, nous explique pourquoi notre cerveau en a besoin. Pour Brut, il décortique les mécanismes mentaux qui nous poussent à adopter des comportements routiniers.


« La routine est indispensable pour pouvoir gérer ses ressources efficacement »


On prend des milliers de micro-décisions entre le moment où on se réveille chaque matin et le moment où on sort de chez soi, pour prendre son petit-déjeuner, pour aller se doucher, pour s’habiller. Et si on devait prendre de façon explicite chacune de ces micro-décisions, on mettrait des heures à sortir de chez soi et on irait se coucher avant midi tant ce serait énergivore pour le cerveau.


En fait, la routine est indispensable pour pouvoir gérer ses ressources efficacement et les concentrer sur les décisions qui comptent le plus. Les grands sportifs, ils jouent vraiment sur ce contrôle extrêmement fin, automatique dans des décisions qui sont plutôt de type routinières, mais ils doivent jongler entre prendre, faire ces gestes qu'ils ont appris, surentraînés et sur-répétés, et devoir les adapter quand les conditions changent : le sauteur à la perche qui doit s'adapter au vent, le joueur de tennis qui doit s'adapter à l'effet de la balle qui arrive de son adversaire... C'est vraiment un compromis en permanence.


« Déléguer un grand nombre de décisions »


Et donc, c'est pour ça que la routine, on la voit souvent négativement, comme quelque chose d'ennuyeux, mais en fait, elle s'exprime dans notre vie à plein d'endroits et il faut voir que sans la routine, on pourrait juste rien faire. Et donc finalement, la grande nécessité de la routine, c'est de nous permettre de déléguer un grand nombre de décisions à ça pour pouvoir justement casser la routine dans certains domaines qui sont plus importants pour nous.


La routine dans le couple, c'est un peu l'antagonisme entre l'amour qui est un sentiment très intellectuel finalement et ces routines qui, elles, sont extrêmement anciennes dans notre cerveau et qui sont automatiques. Et donc, il y a toujours cette tension entre cette vision qu'on a de l'amour où il y aurait une spontanéité et une innovation permanente pour surprendre l’autre et la tendance du cerveau à toujours vouloir aller vers... répéter les mêmes solutions et s'économiser pour faire les choix les plus efficaces et les moins fatigants. Après voilà, ce combat, il peut être mené.


« Plus la routine a été entraînée sur une longue durée, plus elle sera dure à inhiber »


Il est toujours possible de faire des choses mais le cerveau a vraiment cette tendance-là à nous emmener... Et néanmoins, c'est qu'on a un peu deux cerveaux. C'est-à-dire qu'il y a le cerveau routinier et automatique qui vise à l’économie, et en même temps vit chez nous aussi un cerveau intellectuel qui lui peut avoir une incompréhension presque partielle de cet autre cerveau.


Les routines peuvent mettre plus ou moins de temps à être développées selon la précision qu'on veut atteindre. Des grands sportifs, pour avoir une routine sur un geste très précis, vont mettre très longtemps. Une routine plus simple, une routine comme prendre toujours le même trajet pour aller au travail, peut probablement se mettre en place beaucoup plus rapidement. Mais ce qui est sûr, c'est que plus la routine a été entraînée sur une longue durée, plus elle sera dure à inhiber. Par exemple, il a été montré récemment que des enfants sont typiquement beaucoup moins routiniers dans des tâches, dans des jeux très simples, que des jeunes adultes.


« Suivre sa routine a une tendance à nous rassurer, à diminuer notre stress »


Donc ils sont beaucoup plus curieux et beaucoup moins prompts à développer des routines. À l'inverse, des sujets âgés, eux, vont avoir beaucoup plus de mal à inhiber des comportements qu'ils ont appris et qui sont devenus routiniers. Donc on voit bien que le cerveau, c'est pas du tout le même compromis qu'il adopte dans différentes situations : quand on est un enfant de 10 ans ou quand on a 65 ans. On a tous pu ressentir ce sentiment-là que de suivre sa routine avait une tendance à nous rassurer, à diminuer notre stress. Donc ce que les neurosciences ont surtout montré jusqu'ici, c'est qu'en stressant des animaux, ou même des sujets humains, de façon modérée et courte, on pouvait induire chez les animaux et chez nous des comportements plus routiniers.


Et donc ça pousse à penser que peut-être on devient plus routinier quand on est stressé de façon à essayer de diminuer le stress. Néanmoins, c'est toujours très difficile de savoir, de déterminer des relations de cause à effet dans le cerveau parce que le cerveau, c'est quelque chose d'un organe extrêmement interconnecté et donc il y a des interactions permanentes entre beaucoup de régions différentes, donc c'est difficile de savoir si c'est réellement la routine qui permet de diminuer le stress. Donc la routine, c'est un moyen, pour nous de vivre et de fonctionner dans un monde qui demande beaucoup en permanence, des décisions en permanence.