Ce vote relance un cycle de négociations avec les Etats membres de l'Union européenne au sein du Conseil et laisse planer une incertitude sur l'avenir de cette loi.
Ce nouveau règlement européen est censé interdire la commercialisation en Europe de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois...) provenant de terres déboisées après décembre 2020.
"Vider le texte de sa substance"
Sous la pression du Brésil, des Etats-Unis et même de l'Allemagne, la Commission européenne avait proposé de reporter d'une année son entrée en vigueur, du 30 décembre 2024 au 30 décembre 2025.
Sous pression, L'Union européenne reporte sa loi anti-déforestation
Ce décalage a reçu l'aval des Etats membres puis du Parlement. Mais le Parti Populaire Européen (PPE), première force parlementaire, a poussé pour aller plus loin.
La droite a fait voter des amendements créant une nouvelle catégorie de pays considérés comme "sans risque", qui seraient exemptés de certaines obligations de ce règlement, par exemple l'Allemagne. L'un d'eux a été adopté à trois voix près, et la gauche et le centre demandent des comptes car ils estiment que les machines à voter n'ont pas fonctionné correctement.
Avec ces amendements, le PPE affirme vouloir "réduire le fardeau administratif pour les producteurs européens", selon l'eurodéputée française Céline Imart (LR). La droite présente la loi comme un "monstre bureaucratique" et reprend son positionnement anti-normes affiché lors de la colère agricole début 2024.
Cette mesure sur des pays sans risque a très peu de chance de rester dans le texte final mais elle pourrait retarder la mise en oeuvre de la loi.
A gauche et chez une partie des centristes, on y voit une tentative de "vider le texte de sa substance" et couper l'élan environnemental de la précédente législature marquée par le Pacte vert.
En outre, ce vote marque une alliance de fait entre la droite et l'extrême droite. Depuis la rentrée, elle s'était déjà produite sur des textes symboliques sur le Venezuela ou le budget, mais pas sur le fond d'une loi européenne.
Signal d'une crise politique
Cette fois, la "majorité alternative" que craignaient les autres forces politiques s'est bien formée pour retoucher un règlement environnemental.
"C'est la première fois sur un texte législatif. Le PPE va devoir choisir s'il s'allie avec l'extrême droite ou avec nous", cingle le centriste français Pascal Canfin (Renew), qui considère ce vote comme "le signal d'une crise politique en Europe, même si on n'y est pas encore".
Car ce scrutin va à rebours de l'alliance du mois de juillet quand PPE, sociaux-démocrates et centristes soutenaient de concert la reconduction d'Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne.
Finalisée fin 2022 et promulguée en 2023, la nouvelle réglementation contre la déforestation suscite globalement une levée de boucliers des milieux d'affaires de l'agrobusiness et de nombreux États africains, asiatiques et sud-américains, inquiets des coûts supplémentaires engendrés pour les agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers.
Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d'approvisionnement, devront prouver la traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.
Les organisations environnementales jugent essentielle cette nouvelle législation. Elles espèrent une première mondiale susceptible d'entraîner d'autres régions du monde.
Les ONG avaient déjà fustigé le report d'un an de l'entrée en vigueur du texte : un "coup de tronçonneuse", selon elles.
Et avec le vote de jeudi, "le démantèlement du Pacte vert européen a commencé", s'alarme Greenpeace, qui appelle la Commission européenne à retirer le règlement amendé par les eurodéputés et à repartir du texte initial.
Ce débat prend un relief particulier au moment où l'UE semble déterminée, malgré l'opposition de la France, à signer d'ici la fin de l'année un accord de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur, susceptible de démultiplier les importations agricoles.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que 420 millions d'hectares de forêts ont été détruits à cause de la déforestation entre 1990 et 2020. La consommation européenne représente environ 10 % de la déforestation mondiale, selon le Parlement européen.
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