Je vais mourir et je ne le savais pas.
Je menais une vie heureuse, accumulant les tours du monde à l’AFP, voyageant au milieu des étoiles à Canal, à la recherche d’une autre culture à beIN SPORTS et m’abritant quand je le souhaitais dans un merveilleux cocon familial, tissé par ma femme, mes deux enfants et mes quatre petits-enfants.
Et mes rencontres sortaient de l’ordinaire, qu’elles aient pour nom Pelé, Tyson, Bolt, Jordan, Ali, Platini, Zidane, Ray Charles, Cruijff, Messi ou l’ailier gauche du FC Carnac. Et un jour est entré dans ma chambre à l’hôpital, où on tentait depuis des années de trouver pourquoi mes jambes ne faisaient plus le job, est entré, donc, un neurologue, grand, beau, bronzé, forcément annonciateur de bonnes nouvelles. “Monsieur Biétry”, murmura-t-il, “vous êtes atteint de la maladie de Charcot.”
C’était une déclaration de guerre. L’adversaire était impitoyable. Les jambes, les bras, la gorge, la respiration, il ne faisait pas de quartier et finissait par tuer. Personne n’avait la vie sauve. Et quelles étaient mes armes ? Une âme de guerrier breton qui haïssait la défaite, une tablette Tobii Dynavox qui permettait d’écrire avec les doigts ou les yeux et Acapela, qui avait fabriqué une voix de synthèse semblable à ma voix d’origine. Le tout permettant d’écrire les 350 pages de “La dernière vague”, mêlant ma vie et ma mort.
Ma mort ? Je n’y avais jamais pensé vraiment et la voilà qui frappait à ma porte, accompagnée de mille souffrances, physiques pour moi, plus pernicieuses pour les miens. Le débat sur la fin de vie redevenait d’actualité. Moi, je ne demandais qu’une chose : la liberté de choisir, la liberté qu’on abrège ma douleur et surtout qu’on n’oblige pas ma femme et mes enfants à assister à une longue agonie. Tout le monde aurait dû être d’accord, malheureusement les parlementaires se trouvaient toujours autre chose à faire, les croyants envahissaient les plateaux télé et le Premier ministre affirmait même que la mort n’existait pas !
Ainsi, la loi sur la fin de vie aura du mal à se faufiler, obligeant beaucoup d’entre nous à programmer des suicides assistés en Suisse ou en Belgique. Quel gâchis ! Je ne demandais que liberté et dignité.
Je vais mourir et maintenant je le sais…