Collé à la petite ceinture, l'ancienne ligne de chemin de fer entourant Paris, le bâtiment du bailleur social Habitat social français, filiale de la régie immobilière de la Ville de Paris, a complètement changé d'aspect: finis le crépi moutarde et les céramiques bleues autour des fenêtres, remplacés par une façade blanc cassé surmontée de deux nouveaux étages recouverts d'un bardage gris anthracite.
De l'extérieur on pourrait croire que cet immeuble du 20ème arrondissement a toujours été haut de cinq étages, mais il n'en faisait que trois jusqu'à l'année dernière.
Seize logements allant du studio au trois pièces ont été construits sur le toit, en même temps que la réalisation de travaux d'isolation thermique de la façade de l'immeuble datant de 1980. Le tout pour un montant de 5,7 millions d'euros.
Dans son plan local d'urbanisme, qui sera soumis au vote mercredi, la mairie de Paris se fixe pour objectif de créer 1.000 logements par an en surélevant les bâtiments existants.
Principal avantage de ces surélévations : elles n'utilisent pas de terrains non-construits, utiles en tant qu'espaces verts pour limiter les îlots de chaleur. L'enjeu est de taille pour la ville de Paris, où se loger relève du casse-tête en tant que locataire, en plus d'être très coûteux.
Les nouveaux appartements ont été construits avec une ossature en bois - détail non négligeable pour l'odorat - et selon les critères de la certification "haute qualité environnementale".
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Calvaire et dégât des eaux
"On utilise toujours du bois pour les surélévations parce que c'est léger", explique Alexis Joly, président de la société SNERCT Construction, qui a réalisé les travaux. Il avance aussi un argument écologique pour la Ville de Paris, qui veut utiliser le plus possible des matériaux bio-sourcés.
Même avec un matériau léger, l'opération reste complexe : "les murs n'étaient pas assez solides pour supporter le poids de deux étages supplémentaires, donc on a renforcé toutes les poutres du sous-sol avec des plaques et des tiges de carbone", explique Valentin Mention, architecte au cabinet Atelier Choiseul.
Dans d'autres cas, "il faut parfois renforcer les fondations", ce qui implique de "casser la dalle" de béton à la base du bâtiment, poursuit-il.
Habitante de la résidence depuis quarante ans, Sana a "eu peur au début des travaux, nos murs vibraient et bougeaient", témoigne-t-elle.
Plus effrayée que favorable à l'idée de rajouter des étages sur un immeuble déjà construit, elle concède qu'"on manque de logements" et tant mieux si "des gens en profiteront".
Quant aux travaux, "franchement c'était un calvaire", affirme l'habitante, qui a connu un dégât des eaux, comme tous ses voisins.
Pour construire sur le toit, il a en effet fallu le mettre à nu, retirer toutes les couches d'isolants, ce qui a favorisé les infiltrations d'eau, au plein milieu de l'hiver 2023-24, qui a été pluvieux.
"On a proposé aux locataires du dernier étage d'être relogés, on a fourni des casques anti-bruit, on s'est engagé à réparer les dégâts et on a été présent tout au long des travaux pour écouter les habitants", détaille Marie-Camille Auger, directrice de la maîtrise d'ouvrage chez HSF.
La réduction de 60 % de la consommation énergétique des appartements, permise par l'isolation du bâtiment, contribue à faire avaler la pilule.
La complexité technique de tels travaux, la gestion des habitants et le coût élevé rebutent nombre de constructeurs et bailleurs pour le moment.
L'adjoint à la mairie de Paris chargé du logement, Jacques Baudrier, souligne que rajouter des étages est moins rentable en dehors de Paris, où les prix du foncier sont moins élevés et les terrains moins rares.
Après dix ans d'expérience de surélévations au sein du parc social de HSF, la solution "fait ses preuves" pour Jacques Baudrier. Désormais il aimerait embarquer les copropriétés qui réalisent des travaux de rénovation énergétique, via la plateforme d'accompagnement CoachCopro. Les surélévations vont décoller "dans trois ou quatre ans", espère-t-il.
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