"La France prend le leadership en matière d'intelligence artificielle militaire en Europe", a clamé le ministre des Armées Sébastien Lecornu à l'occasion de la déclinaison défense du sommet sur l'intelligence artificielle organisé à Paris lundi et mardi.
"Comme l'atome en son temps, la maîtrise de l’IA de défense est un outil indispensable de souveraineté", selon lui.
Présentée comme une révolution dans les affaires militaires, l'IA a des applications multiples, de l'aide à la décision à l'autonomie des systèmes de combat.
Pour les états-majors par exemple. L'organisation l'an passé des exercices Steadfast de l'Otan, les plus importants organisés par l'Alliance atlantique depuis la fin de la Guerre froide, a nécessité "18 mois de préparation, 1.500 pages de documentation et 300 personnes.
"Aujourd'hui, avec de l'IA générative, on pense qu'on peut réduire ce cycle de plus de la moitié", explique l'amiral Pierre Vandier, commandant suprême allié pour la transformation.
Arthur Mensch répond à vos questions sur l'intelligence artificielle
L'IA devenant une nécéssité dans le domaine militaire
L'IA est également "embarquée" à bord des matériels militaires afin d'accroître leur autonomie: Helsing, une jeune entreprise basée en Allemagne, en France et au Royaume-Uni a fourni à l'Ukraine un logiciel d'IA pour équiper 4.000 drones d'attaque afin qu'ils puissent atteindre leur cible malgré le brouillage russe.
Helsing a profité du sommet sur l'IA pour annoncer un partenariat avec Mistral, la pépite française de l'IA générative, sur le modèle de celui conclu entre les américains Anduril et OpenAI.
"Un drone repère trois chemins différents pour atteindre un point, il les communique à l'opérateur humain qui lui ordonnera oralement d'emprunter l'un d'entre eux", explique à l'AFP Antoine de Braquilanges, directeur général d'Helsing France, détaillant l'objet de ce partenariat.
De quoi faciliter à l'avenir le contrôle par le pilote d'un avion de combat des drones qui l'accompagneront en mission.
LA VÉRITÉ SUR… l’intelligence artificielle
Eviter les boîtes noires
"D’un point de vue cerveaux, on n’a aucun souci à se faire, on est tout à fait au rendez-vous en matière d’IA", se félicite Bertrand Rondepierre, jeune patron de l'Agence ministérielle pour l'intelligence artificielle de défense (Amiad).
"On a un écosystème très dynamique, avec beaucoup d’entreprises, on est dans les meilleurs mondiaux. Tout l’enjeu pour nous c’est de transposer cela dans le domaine militaire", juge cet ancien membre du laboratoire d'IA de Google.
Le secteur s'organise, de nombreuses jeunes pousses voient le jour tandis que les acteurs traditionnels de la défense en France se mettent en ordre de bataille: Thales a regroupé en une même entité, baptisée cortAIx, ses experts et programmes en intelligence artificielle, MBDA a créé sa structure, Neodes Systems, pour optimiser ses missiles.
"La France bénéficie d'une bonne école de mathématiques. Elle a aussi des atouts, notamment une base industrielle et technologique de défense robuste qui a la capacité d'investir", expliquait récemment à l'AFP Laure de Roucy-Rochegonde, spécialiste de l'IA à l'IFRI.
Elle appartient selon elle au "second cercle" au côté des Israéliens et Britanniques, derrière les mastodontes chinois et américains et "la Russie, dans une moindre mesure".
L'Amiad sera dotée en septembre du supercalculateur d'IA présenté comme le plus puissant d'Europe. Outre les propres besoins des armées, elle compte le mettre à disposition des industriels pour qu'ils développent leurs algorithmes au profit des armées, en fonction de critères de "coûts, de délais, de performance et de confiance".
L'enjeu est de s'assurer de l'intégrité de la masse gigantesque de données nécessaires à la mise au point d'un modèle d'IA, afin que l'algorithme fonctionne sur des bases d'une qualité incontestable par les armées.
Il s'agit d'éviter le phénomène de boîte noire, quand on ne sait pas comment l'IA arrive à tel ou tel résultat.
"C'est la question de la maîtrise souveraine de la technologie, observe Sébastien Lecornu, "c’est-à-dire d’être capable de maîtriser de A à Z cette technologie. C’est l’une des meilleures garanties d’éthique que nous puissions avoir".
Et que l'homme soit toujours dans la boucle avec un contrôle effectif sur l'IA. Pas question de se reposer aveuglément sur les probabilités émises par un logiciel, comme les Israéliens ont été accusés de le faire avec leur algorithme Lavender, utilisé pour identifier puis cibler les membres du Hamas à Gaz selon deux médias israéliens indépendants qui avaient révélé cette affaire, provoquant un grand nombre de victimes civiles.
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