Repenser nos rapports sexuels, avec Alexandre Lacroix

"Beaucoup de gens se détournent de la sexualité parce que ce qui leur est proposé est au fond répétitif, lassant." BRUT PHILO - Et si on pensait le sexe différemment ? Avec le philosophe Alexandre Lacroix.

“La sexualité hétérosexuelle humaine est codifiée”


On croit à tort que quand on fait l'amour, on transgresse, on est subversifs, on fait des choses incroyables. Mais en fait pas du tout des choses incroyables. On suit des scripts qui sont assez précis” affirme Alexandre Lacroix, philosophe, écrivain, auteur du livre “Apprendre à faire l’amour” et directeur de la rédaction de Philosophie magazine avant d’ajouter : “Ils ne sont écrits nulle part ces scripts, mais nous les connaissons à travers les rencontres, les films, nous les avons acquis. Nous avons appris à les manier ce qui fait qu'on s'attend à une certaine progressivité dans les actions”.

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Dans le monde gay ou lesbien, la question de savoir comment on commence un rapport sexuel et comment on finit un rapport sexuel est très ouverte. Au fond, c'est une question beaucoup plus ouverte que dans le monde hétéro où on mime toujours un petit peu la procréation. Dans le monde hétérosexuel, on a l'impression qu'on a presque des devoirs à faire : les préliminaires, la pénétration puis l'orgasme comme si on était en train à chaque fois de mimer l’acte par lequel on va faire un enfant. On est delivrés de cette injonction dans le monde gay et lesbien, ce qui fait qu’ils ouvrent complètement la relation à la sexualité” développe le philosophe.

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J'ai l'impression que la culture hétéo, en tout cas chez les jeunes, est en train de s'enrichir des autres sexualités”


J'ai l'impression que la culture hétéo, en tout cas chez les jeunes, est en train de s'enrichir des autres sexualités qui étaient considérées jusque-là comme minoritaires. Ce qui est passionnant dans cette affaire, c’est que les scripts, on les apprend et qu'on peut les revisiter” affirme Alexandre Lacroix.

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Depuis quelques années, les sexologues ont vu de nouveaux patients arriver dans leur cabinet : ce n’était plus des hommes de 50 - 60 ans qui cherchaient à trouver une solution à leur problème d’érection, “résolue bien souvent grâce au Viagra”, mais des jeunes “de 20 - 35 ans” et qui venaient “très souvent en couple”. “Ils expliquent souvent : “Voilà on s’entend bien, on est amis mais entre nous, le sexe ne marche pas trop” décrit le philosophe, ajoutant que souvent ces jeunes patients expliquent qu’ils préfèrent regarder une série Netflix ou discuter “comme s’ils étaient précocement blasés par la sexualité”.

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Les sexologues ont été très surpris d'avoir ces nouveaux patients. Ils ne savaient pas vraiment quoi leur dire et puis, petit à petit, ils ont fait l'hypothèse que c'était dû à une exposition très grande et très forte à la pornographie mais aussi à une quantité énorme d'expériences sexuelles assez précoces qui fait qu'ensuite, on essaie de se refermer sur le cocon du couple que l'on envisage comme un cocon amical et protecteur et que la sexualité est l'élément un peu tragique qui tend à être un peu expulsée, minorée”. 


Dans son livre “Apprendre à faire l’amour”, le philosophe Alexandre Lacroix s’intéresse à “la question de réinventer la sexualité” : “Si certains s’en détournent, c’est parce que ce qui est proposé est extrêmement répétitif, dirigé par l’efficacité, le capitalisme ou le consumérisme. Les gens sont dégoûtés de ce qu’ils ont là et ils ont envie tout simplement d’autres choses. Alors moi, j’ai envie de remettre de la beauté là dedans, de remettre de la féérie et de dire à quel point la sexualité est la chose la plus importante de l’existence et peut-être, dans une certaine mesure, la plus belle”.

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